Contact
Email
Partenariat
Annuaire gratuit Référencement
Vente en ligne
Achat tableaux peintures
Découverte
Expositions Médias Bio
Voyager
Série Afrique
Série Paysage
Frémir
Jack the Ripper
Roswell
Rire
Ali Baba
Vache folle
Techniques
Aquarelles
Encres
Mythes
Vénus
Saint georges
Séries
Restaurants
Rats
peinture

Le Cercle de l'art moderne

Collectionneurs d'avant-garde au Havre

Musée du Luxembourg, Paris

Exposition du 19 septembre 2012 - 6 janvier 2013




exposition cercle art moderne

Le 29 janvier 1906, un groupe de collectionneurs et d'artistes créent au Havre le Cercle de l'Art moderne. Parmi eux : Georges Braque, Raoul Dufy et Emile Othon Friesz et quelques uns des plus importants amateurs d'art havrais de ce début de siècle : Olivier Senn, Charles-Auguste Marande, Pieter van der Velde, Georges Dussueil, Oscar Schmitz, Edouard Lüthy... L'association se fixe comme objectif de promouvoir l'art moderne au Havre.

De 1906 à 1910, le Cercle organise des expositions, des cycles de conférences, des soirées poésie et des concerts. Frantz Jourdain, Guillaume Apollinaire, Claude Debussy apportent leur parrainage à l'association, qui affiche d'emblée sa filiation avec le jeune Salon d'Automne.

A l'instigation du Cercle, les oeuvres des plus grands artistes du moment sont présentées au Havre, notamment lors des quatre expositions annuelles : les « vieux » impressionnistes tels Monet, Renoir..., les néo-impressionnistes mais surtout les jeunes fauves, entraînés par leurs amis Georges Braque, Dufy, Friesz, qui trouvent tous dans cette ville assez proche de Paris, un accueil favorable et un débouché possible à leur production récente, celle-là même qui provoque le scandale de la « cage aux fauves ».

Qui sont ces hommes ? Qu'est-ce qui les lie ? En quoi le contexte historique, économique et culturel havrais semble-t-il favoriser l'émergence de ce phénomène ?

cercle de l'art moderne
Amedeo Modigliani (1884 – 1920), "Jeune femme au corsage noir", 1916-1917, huile sur toile, 55 x 45 cm, ancienne collection Georges Dussueil © Collection particulière

Dès le milieu du XIXe siècle Le Havre, ville de création récente (1517) et ville industrielle, voit son port se développer rapidement et devenir une place de toute première importance pour l'importation de produits exotiques. Les acteurs économiques et les édiles locaux n'ont de cesse de vouloir donner une « âme » à la cité. La création du musée (1845) sur les quais de l'avant-port, la tenue régulière d'expositions organisées par la société des amis des arts et l'invitation à des artistes de renom (Edouard Manet en 1868 est récompensé pour son Torero mort, refusé cinq ans plus tôt au Salon de Paris) participent de ce projet. Les négociants qui y trouvent leur intérêt s'impliquent activement dans cette vie culturelle et le succès de leurs affaires influence très directement le sort des artistes. Eugène Boudin résumera l'équation en une formule lapidaire : « Pas de coton, pas de tableaux ».


Le Cercle de l'art moderne : la bande-annonce par Rmn-Grand_Palais

A la fin du XIXe siècle, une nouvelle génération de collectionneurs apparaît. Tous issus de la société des Amis des Arts, mais plus ouverts à la jeune création, fréquentant à Paris les expositions du Salon d'Automne et des Indépendants, les galeries de Druet, Bernheim, Vollard…, les ateliers d'artiste, les salles des ventes, ils s'investissent aux côtés, de Dufy, Friesz et Braque dans cette aventure singulière.

Les collections de deux d'entre eux, Olivier Senn et Charles-Auguste Marande, sont désormais conservées au musée d'Art moderne André Malraux au Havre, grâce à leur propre générosité ou à celle de leurs descendants. Dispersées, celles des autres -van der Velde, Dussueil, Schmitz, Lüthy…- sont bien connues.

Cercle de l'art moderne Havre
Eugène Boudin (1824 – 1898), Barques et estacade [Trouville], vers 1894-1897, huile sur toile, 40 x 55 cm, ancienne collection Olivier Senn Le Havre, MuMa - Musée d'Art moderne André Malraux © MuMa, le Havre - Florian Kleinefenn

Chacune révèle la personnalité de son auteur. Si elles présentent certaines similitudes, dues à des communautés de goût (pour Boudin, Pissarro, Marquet…), elles trahissent également des singularités et des audaces propres à chacun. Senn ouvre par exemple sa collection avec deux oeuvres majeures de Delacroix et Courbet des années 1850 et la poursuit avec des pièces impressionnistes et post-impressionnistes, alors que Dussueil et van der Velde portent d'emblée leur attention sur la création toute récente, achetant Matisse au même moment que les Stein, et avant les Morozov ou Chtchoukine. Degas et Cross sont largement représentés dans la collection Senn, alors que Van Dongen se voit préférer par van der Velde ou Dussueil. Les connivences comme l'émulation sont évidentes et il n'est pas rare de voir les oeuvres circuler et changer parfois de propriétaires.

L'exposition présente environ 90 oeuvres et invite à pénétrer l'univers intime des collectionneurs, qui au-delà de leur intérêt privé, se sont retrouvés au sein du Cercle pour défendre une certaine conception de leur engagement au service de l'art moderne, des artistes, mais aussi celui de la cité. Elle évoque en écho le cheminement personnel des artistes « du Cercle », unis dans la défense du fauvisme dans un premier temps et que leurs recherches propres conduiront peu après à se séparer. Dès lors, le Cercle de l'Art moderne apparaît comme la manifestation d'un phénomène unique en province, éphémère, sorte de moment de grâce porté par des acteurs convaincus de la nécessité de défendre la modernité, et qui attachera à la ville et au territoire qui l'a vu naître son image d'avant-garde.



Textes des salles

L'histoire de la ville du Havre illustre comme nulle autre celle d'une « ville neuve ». Créée par ordre royal de François 1er en 1517 comme nouveau port de Paris, elle acquiert au coeur de la vieille région normande le statut d'une cité jeune et cosmopolite, que sa destruction et sa reconstruction par Auguste Perret au lendemain de la seconde guerre mondiale ne feront que conforter.

Ouverte sur le monde, la ville va progressivement développer sa vocation commerçante au détriment de sa vocation militaire première. A mesure que les échanges s'intensifient, que l'importation des produits exotiques (café, coton, épices, bois…) augmente, le port se modernise. C'est une ville prospère, en pleine mutation, qui s'affirme au cours du XIXe siècle.

L'ouverture de la ligne de chemin de fer Paris-Le Havre en 1847 et l'afflux nouveau de touristes venant goûter aux plaisirs des bains de mer poussent la Ville à développer une vie culturelle propre à satisfaire les attentes d'un public nouveau. Le musée est créé en 1845, peu de temps après qu'une Société des amis des arts se soit constituée. Les expositions se multiplient. Les tenants de la Nouvelle Peinture y sont accueillis, récompensés et des amateurs d'art commencent à réunir de vraies collections.

A la fin du XIXe siècle, une nouvelle génération de collectionneurs apparaît. Négociants nouvellement installés au Havre pour leurs affaires, venus d'autres régions et même de Suisse ou des Pays-Bas, ils consacrent leur fortune à l'enrichissement de leurs fonds. Leur goût les porte vers la peinture impressionniste et l'art moderne, notamment les fauves. Issus du même milieu, partageant les mêmes intérêts économiques, ils constituent et agissent comme une véritable communauté. Membres influents de la commission d'achat du musée, ils parviennent à infléchir la politique d'acquisition vers une plus grande ouverture à la peinture contemporaine, faisant entrer Pissarro, Monet, Bourdelle dans les collections, dès les premières années du XXe siècle.

Leur implication la plus notable dans la vie culturelle locale est cependant la création, aux côtés d'artistes tels que Dufy, Braque et Friesz (natifs ou originaires du Havre), du Cercle de l'art moderne. Fondée en 1906, cette association entend promouvoir l'art moderne au Havre en organisant notamment des expositions, concerts et conférences. La fine fleur de l'avant-garde, et tout particulièrement les artistes fauves, sera présentée au Havre jusqu'en 1910, date de la dispersion de la société.

L'exposition invite à pénétrer l'univers intime de ces collectionneurs et à découvrir l'aventure singulière qu'ils partagèrent. Elle réunit pour la première fois les plus beaux fleurons de ces collections, dispersés au fil des ans.

exposition musee du luxembourg
Pierre Auguste Renoir (1841 – 1919), L'Excursionniste 1888, huile sur toile, 61,5 x 50 cm, ancienne collection Charles-Auguste Marande, Le Havre, MuMa - Musée d'Art moderne André Malraux, © MuMa, le Havre - Florian Kleinefenn

  • La modernité du port du Havre

    Le Havre présente deux visages. Côté plage, la ville avec sa lumière d'estuaire si particulière, son ciel immense, son ouverture vers le large, se prête à tous les loisirs d'une station balnéaire. Côté port, c'est une métropole industrielle active. Cette ville-paysage offre ainsi aux artistes une matière variée et constitue un terrain propice à l'épanouissement des sensibilités nouvelles à partir des années 1850. Facilement accessible depuis la capitale, Le Havre attire un nombre croissant d'artistes, peintres comme photographes.

    Jeune employé dans une papeterie, Eugène Boudin (1824-1898) est régulièrement en contact avec les artistes de passage (Millet, Courbet, Troyon, Gudin, Isabey). Il trouve au Havre, à Honfleur, dans la campagne et sur la côte normande, des sujets propres à nourrir son imagination. Soutenu par la municipalité (en 1851 il reçoit une bourse pour aller étudier à Paris) et par des collectionneurs locaux, il demeure fidèle à cette région, une fois même le succès assuré, et en peint inlassablement jusqu'à la fin de sa vie, les paysages et les ports (Le Havre, Honfleur, Trouville, Deauville).

    C'est lui qui entraîne le jeune Claude Monet à peindre « sur le motif ». La jetée et la baie qu'il peint depuis la maison de sa tante à Sainte-Adresse ont la préférence de Monet dans les années 1860. Ce n'est qu'après son séjour à Londres en 1871 que le port retient son attention. L'intense activité des quais et des bassins lui inspire une série de toiles, dont la célèbre Impression, soleil levant, présentée à la première exposition impressionniste en 1874, et qui donnera son nom au mouvement dont il accompagne la naissance.

    C'est au Havre encore que les photographes expérimentent, une décennie après la création de cette technique photographique (1839), de nouveaux procédés. La captation du mouvement constitue le véritable défi de cet art cantonné depuis ses débuts à l'atelier. La course des bateaux, le ressac des vagues, la variation des effets atmosphériques constituent désormais autant de sujets neufs. Les frères Macaire, grâce à une amélioration technique du daguerréotype (positif unique sur plaque de cuivre, image inversée), réussissent à saisir l'élan des bateaux quittant le port (1851). En 1856-1857, Gustave Le Gray photographie l'avant-port et le musée sur les quais. Mais c'est surtout face à l'océan qu'il exécute ses premières grandes photographies de paysage marin dont la qualité surprend le monde entier. Il met ici au point un procédé particulier lui permettant, grâce à un développement réalisé à partir de deux négatifs (l'un pour le ciel, l'autre pour la mer), de rendre la puissance du paysage sans sacrifier la subtilité des cieux.



  • La collection Senn

    A la fin du siècle, parmi la nouvelle génération de collectionneurs, cinq d'entre eux se distinguent : Olivier Senn (1864-1959), Charles-Auguste Marande (1858-1936), Georges Dussueil (1848-1926) Pieter van der Velde (1848-1922) et Franz Edouard Lüthy (1847-1919).

    Né au Havre, Olivier Senn est le plus connu et le plus jeune d'entre eux, c'est aussi celui qui vivra le plus longtemps, mourant presque centenaire en 1959. Issu d'une famille protestante suisse installée au début des années 1860 au Havre, il intègre, en épousant la fille d'Ernest Siegfried (1892), une vraie dynastie implantée localement et spécialisée dans l'importation du coton. Avocat, il n'exerce que deux ans avant de rejoindre la Compagnie Cotonnière (1895), qu'il dirige aux côtés de son beau-père et de Charles-Auguste Marande.

    Senn entre dans les réseaux de sociabilité havrais, adhère à la Société des amis des arts (1896), devient l'un des membres fondateurs du Cercle de l'art moderne en 1906, au moment même où il commence à acheter des oeuvres. La collection qu'il a constituée dès le début du XXe siècle et enrichie jusque dans les années 30, a été donnée par sa petite-fille, Hélène Senn-Foulds, au musée d'Art moderne André Malraux au Havre, permettant ainsi d'en préserver l'intégrité ; l'ensemble de 200 pièces compte de véritables chefs d'oeuvre parmi lesquels Le Portrait de Nini Lopez de Renoir, La Valse de Vallotton, La Plage de la Vignasse de Cross.

    La première acquisition certaine remonte à mai 1900, avec deux toiles de Pissarro, dont Soleil Levant à Eragny, un nu de Renoir, deux Maufra et un Espagnat tous acquis à Drouot à la vente Blot, par l'intermédiaire de Durand-Ruel. Les années qui suivent, voient ce fonds s'enrichir d'oeuvres de précurseurs de l'impressionnisme (Courbet, Delacroix, Corot…), d'oeuvres impressionnistes (Jongkind, Boudin, Monet, Sisley, Guillaumin…), post-impressionnistes (Cross), nabies (Vallotton, Sérusier…) et fauves (Marquet).

    Grand amateur de dessins, il constitue également une très belle collection où dominent des oeuvres de jeunesse de Degas, des dessins néo-impressionnistes de Cross, des aquarelles de Boudin, des pastels de Guillaumin ou des lavis précoces de Marquet.


    Le Cercle de l'art moderne : présentation de... par Rmn-Grand_Palais

  • Le Cercle de l'art moderne

    Les collectionneurs du Havre entretiennent des liens privilégiés avec certains artistes (Boudin, Monet, Pissarro et Marquet), les conviant même parfois à découvrir leur ville. Camille Pissarro accepte le premier l'invitation et s'installe en juin 1903 à l'hôtel Continental situé à l'entrée du port. Inspiré par le lieu, l'artiste réalise vingt-quatre toiles sur le motif. Son passage marque durablement l'histoire des collections locales ; deux peintures de la série sont immédiatement acquises par le musée tandis que quatre autres viennent enrichir les collections de Dussueil et Van der Velde.

    Trois ans plus tard, ces collectionneurs, parmi lesquels Senn, Marande, Dussueil, Van der Velde et Lüthy s'unissent à Braque, Dufy et Friesz pour fonder une association baptisée le Cercle de l'art moderne. Présidée par l'architecte Choupay, soutenue par la municipalité qui met à sa disposition une salle prestigieuse, l'association propose des expositions, concerts et conférences exclusivement consacrés à l'art moderne. Favorisant le dialogue entre les arts, le Cercle, que parraine Claude Debussy, affiche dès ses débuts l'ambition de hisser la vie culturelle havraise au niveau des manifestations parisiennes les plus en vogue telles que le Salon des Indépendants et le Salon d'Automne.

    Alors qu'en mai 1906 s'ouvre la première exposition collective du Cercle de l'art Moderne, Marquet et Dufy se retrouvent au Havre. Ils peignent côte à côte les rues pavoisées pour la fête nationale. Les stridences colorées de la palette fauve s'expriment sur les cimaises du Cercle et dans les rues animées de la ville. Au même moment, Friesz se rend en compagnie de Braque à Anvers. Ils y expérimentent ensemble l'emploi de la couleur pure et réalisent leurs premières toiles fauves. Dès leur retour au Havre, Friesz expose une trentaine de ses vues d'Anvers dans l'Orangerie de l'hôtel de ville, sous le patronage du Cercle de l'art moderne.

    Durant quatre ans, le succès et la qualité des expositions du Cercle ne faibliront pas. Mais la concurrence internationale, l'éloignement progressif des trois peintres fondateurs cheminant chacun dans des voies différentes, les dissensions au sein du groupe conduiront à la dissolution du Cercle en 1910.

    Le Cercle de l'art moderne constitue un phénomène assez exceptionnel de décentralisation de la scène artistique en France. Porté par des acteurs convaincus de la nécessité de défendre la modernité, il attachera à la ville et au territoire qui l'ont vu naître son image d'avant-garde.

  • Une émulation stimulante entre collectionneurs

    Dans ce cercle de négociants où tout le monde se connaît et partage les mêmes intérêts, collectionner dépasse souvent le cadre privé pour devenir une pratique sociale. Les collectionneurs fréquentent à l'occasion ensemble les galeries et les salles de vente parisiennes. La maison devient le lieu où la collection s'exhibe aux regards des intimes, générant ainsi une émulation féconde.

    L'aquarelle de Robert Frémond représentant Olivier Senn, Charles-Auguste Marande et Peter van der Velde dans une galerie de peinture illustre parfaitement ce moment de sociabilité partagée. Même si les quatre expositions du Cercle de l'art moderne fournissent aux collectionneurs des occasions uniques d'acquisition à de jeunes artistes, la plupart des achats se font dans la capitale auprès des grands marchands (Berthe Weill, Eugène Druet, les frères Bernheim, Ambroise Vollard, Durand-Ruel ou Daniel-Henry Kahnweiler) ou directement auprès des artistes (Guillaumin, Vallotton, Marquet, et même Giorgio de Chirico dont Senn fut le premier acquéreur français). Appartenant à la seconde génération de collectionneurs impressionnistes, les amateurs havrais acquièrent également des oeuvres lors des ventes aux enchères des grandes collections de la première génération (ventes Tavernier en 1900, Weiler en 1901, Blanc en 1906, Rouart en 1912).

    Dès les années 1880 pour Georges Dussueil et Peter van der Velde, ou un peu plus tard pour les autres, et jusqu'à la veille de la première guerre mondiale au moins, ils constituent d'importantes collections. Leur intérêt partagé pour l'impressionnisme les amène à acheter des oeuvres aux mêmes artistes. Eugène Boudin a la faveur de tous. Fervent admirateur de l'artiste, Van der Velde acquiert plus de trente-sept de ses peintures. L'émulation autour des oeuvres de Renoir est également significative. Senn se porte acquéreur du portrait de Nini Lopez en octobre 1907, quelques mois seulement après l'acquisition par Marande de L'Excursionniste. Pissarro est très présent dans les collections havraises, avec des oeuvres illustrant l'ensemble de sa carrière. Marande et Senn acquièrent des paysages verdoyants d'Eragny, tandis que Dussueil et Van der Velde accordent leurs préférences aux sites portuaires de Rouen, Dieppe et du Havre.

    Chaque amateur se distingue néanmoins par une sensibilité particulière pour un courant ou un artiste. Senn est le seul à s'intéresser aux néo-impressionnistes et plus particulièrement à Henri-Edmond Cross dont il acquiert un important ensemble de dessins et de peintures. Van der Velde, à l'instar de Marande, collectionne avec enthousiasme les oeuvres de Van Dongen. Les intérieurs intimes peints par les nabis, Bonnard et Vuillard sont présents dans les collections de Senn et Dussueil. Tous adhèrent au fauvisme tempéré de Marquet mais seuls Van der Velde et Dussueil soutiennent les fauves les plus audacieux. Ces derniers n'hésitent pas à faire entrer dans leur collection dès 1906 deux oeuvres emblématiques de Matisse peintes à Collioure. La précocité de leur engagement les place parmi les premiers collectionneurs de Matisse au même titre que les collectionneurs américains Léo et Gertrude Stein.

  • Dans l'intimité des collections

    Ouverts à toutes les audaces picturales, les collectionneurs havrais affirment un goût sûr pour les oeuvres fortes. Tous achètent des nus féminins, généralement somptueux. Respectueux des apparences, ces oeuvres sont souvent éloignées pudiquement des salles de réception, accrochées dans un espace dérobé au regard, le cabinet, le bureau ou le petit fumoir, réservé au collectionneur et à ses intimes.

    Guidés par le souvenir de l'Olympia de Manet, Camoin et Marquet se consacrent au nu dès les années 1904-1905. Du premier, Franz Edouard Lüthy choisit l'un des nus les plus précoces, La Blonde au miroir, tandis que Van der Velde acquiert La Saltimbanque au repos, toute « auréolée » du scandale qu'elle vient de faire au Salon des Indépendants de 1905. Plus tard, en 1956, alors qu'après de nombreuses péripéties, elle est offerte au musée d'Art moderne de la Ville de Paris, ce nu continue encore de choquer « la pudeur prudente » de certains membres de la commission d'acquisition du musée.

    Ce n'est que vers 1933, qu'Olivier Senn, depuis longtemps fidèle à Marquet, achète un magnifique portrait de femme exécuté en 1918, La Femme blonde. Ce nu féminin se détachant sur un fond tapissé de fleurs rouges est une oeuvre tout aussi atypique dans la production de l'artiste que dans la collection d'Olivier Senn. Si l'amateur s'en sépare rapidement, c'est pour en faire don, en 1939, au Musée du Luxembourg.

    Van der Velde et Marande apparaissent au Havre comme les plus fervents admirateurs des portraits féminins de Van Dongen. Marande achète sans doute avant 1908 chez Kahnweiler La Parisienne de Montmartre. Moins provocante dans ses allures que les femmes dénudées de Camoin et Marquet, elle choque davantage par les harmonies puissantes de ses couleurs. Van der Velde en acquiert une autre version, une jeune femme chapeautée de bleu, et une dernière, nue et plus directement sensuelle.

    Courageux dans la sélection des nus qu'ils proposent aux expositions du Cercle de l'art moderne, aucun amateur n'ira cependant jusqu'à se porter acquéreur d'un des nombreux nus exécutés par Vallotton, telle La Belle Florence, exposée en 1909 et jugée comme un outrage à la morale.



  • arts plastiques contemporains
    homme invisible
    Galerie d'art contemporain
    Peintures, sculptures et objets d'art