Contact
Email
Partenariat
Annuaire gratuit Référencement
Vente en ligne
Achat tableaux peintures
Découverte
Expositions Médias Bio
Voyager
Série Afrique
Série Paysage
Frémir
Jack the Ripper
Roswell
Rire
Ali Baba
Vache folle
Techniques
Aquarelles
Encres
Mythes
Vénus
Saint georges
Séries
Restaurants
Rats
peinture

Damien Cabanes

Musée d’Art Moderne, Saint-Étienne

Exposition du 17 septembre 2011 - 20 novembre 2011




Le Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne consacre une expositon à Damien Cabanes du 17 septembre 2011 au 20 novembre 2011.

Damien Cabanes produit depuis les années 1980 une oeuvre originale, abondante et multiforme. Le Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne Métropole lui offre sa première exposition rétrospective dans un musée avec plus d’une centaine de peintures, sculptures et dessins réalisés de 1990 à 2011.

Damien Cabanes a démarré son travail par la peinture mais rapidement s’intéresse aux questions de volume, mixant couleur et matière, travaillant d’abord le plâtre, puis le polystyrène et la résine. Réalisés d’après des modèles de proches qu’il fait poser de la manière la plus naturelle possible, les corps déformés de ses sculptures prennent vie à échelle réduite. Les oeuvres présentées à même le sol jouent sur la disproportion entre corps représenté et corps réel les plaçant « du côté de l’incarné. La couleur et la chair, en quelque sorte » (Philippe Piguet).

Passé de l’abstraction à la figuration, Damien Cabanes développe dans le même temps une importante oeuvre peinte et dessinée où des personnages dont les attitudes semblent si proches de l’ordinaire du quotidien se découpent sur des fonds neutres. Et pourtant une tension se dégage, au même titre que les proportions des sculptures, interrogeant le spectateur sur sa propre humanité.



Hors du temps dans le temps

Ce texte chemine à travers des rencontres entre Damien Cabanes et l’auteur au cours de l’hiver et du printemps 2011. Les entretiens se déroulent souvent au bord du canal de l’Ourcq où l’artiste dispose d’un atelier logement. Dans une série de gouaches réalisées pendant les mois chauds de l’année 2010 apparaissent en panoramique les habitations et les anciens sites industriels depuis le bassin de La Villette jusqu’à Pantin et au-delà.

À Pantin, un autre atelier « de peinture » sert pour des séances de poses et aussi pour stocker et photographier les nombreuses gouaches réalisées notamment cette année-là chez un couple d’artistes, Raphaëlle Paupert-Borne et Jean Laube. Les amis venus voir leur petite fille Adrienne sont autant de « modèles gratuits » autour du nouveau-né ou de la table de la salle à manger. Lorsqu’il ne peut pas travailler, faute de modèles ou parce que les rouleaux de papier se sont accumulés dans ses ateliers déjà très encombrés, Damien Cabanes reste allongé sur son canapé, il « regarde le plafond ». Un autre lieu de rencontre est « l’atelier de sculpture » à Montreuil. Le bâtiment, acquis une dizaine d’années auparavant, est un vaste hangar composé de deux grands espaces où une toiture partiellement transparente laisse entrer la lumière. Le lieu, impossible à chauffer, n’est pas utilisé en hiver et quand nous parlons, de petits nuages de buées sortent de nos bouches. Une foule de visages, bustes, membres pétrifiés, façonnés dans l’argile avec brutalité, parfois soutenus ou transpercés par des barres de métal servant de structures portantes pendant le séchage, sont accumulés comme dans une pyramide. Au sol et sur des étagères, tubes de peintures aplatis, sac de plâtre à moitié vide, tas de terre, gravas, poussière, bris et résidus de toutes sortes témoignent de combats terribles. Les oeuvres plus anciennes, nous avons pu en voir certaines à la Galerie Eric Dupont, notamment des tâches de laques sur toile ou sur bois du début des années 1990. Pendant le déménagement de la Galerie qui s’apprête à quitter la rue Chapon, nous sortons peintures et sculptures dehors, au soleil.

[…]

L’oeuvre de DAMIEN CABANES évolue en interrogeant et en épuisant ses fondements. Une fois accompli le processus, il repart de zéro, mains et regard vide, comme dans ses autoportraits. Il se rend totalement disponible pour entrer dans une autre « période » donnant l’impression qu’il saute de l’abstraction à une peinture très figurative puis arrête brusquement de peindre pour « passer à la sculpture ». Dans ce passage, sa découverte du Musée du Prado est une expérience décisive. DAMIEN CABANES, sans donner de détails, évoque cette visite comme un événement qui le décide à arrêter de peindre des tableaux.

En regardant les Ménines et les portraits de nains et de bouffons de Vélasquez, en voyant les portraits royaux ou les cartons de Goya, les poses vêtues et dévêtues de la duchesse d’Albe, devant Le jardin des délices de Jérôme Bosch et, lui faisant face, Le Triomphe de la mort de Brueghel, les grands tableaux de Ribera surplombant les escaliers, DAMIEN CABANES prend-il conscience que la peinture a donné le meilleur d’elle-même et qu’il est inutile de poursuivre sur cette voie ? Cependant son propos n’a jamais été de se confronter aux « maîtres », ni de faire table rase de la peinture du XIXème et du XXème siècle, sans compter qu’il aurait pu arriver à ce même constat avant, et surtout ailleurs, au musée du Louvre par exemple. J’essaie de comprendre comment le Prado a opéré en lui une nouvelle synthèse et modifié sa compréhension de la peinture. Si la collection du Prado produit cet effet sur DAMIEN CABANES – et non pas une oeuvre particulière – c’est peut-être parce qu’aucun autre musée au monde ne révèle aussi étroitement les rapports entre la peinture, les peintres, une ville, un pays, une civilisation. Vélasquez, chargé par Philippe IV de développer ses collections, puis Goya, que DAMIEN CABANES affectionne particulièrement, ne furent pas seulement peintres de cour mais aussi peintre de la vie espagnole sous tous ses aspects, y compris grotesques et monstrueux. En plus de leurs qualités esthétiques internes, les oeuvres du Prado portent un regard sur la civilisation qui les a portées et qu’elles ont elles-mêmes projeté autre part. DAMIEN CABANES revenu à la figuration avec ses autoportraits ressent à la fois la séduction de cette grande peinture, mais aussi le danger de tomber dans le piège de la répétition – comme Vélasquez et Goya en leur temps, il doit se projeter autre part, radicalement autre part, pour continuer à produire une oeuvre qui soit porteuse de pensée et de civilisation. En abandonnant la forme tableau, il n’effectue pas un acte vraiment singulier. Mais à la différence de la plupart de ceux qui au XXème siècle ont expérimenté toutes sortes de supports, il donne à voir cette sortie du tableau comme un tournan radical qui implique beaucoup plus que le domaine de la peinture. DAMIEN CABANES ne conçoit pas le tableau simplement comme un support, mais comme l’expression d’un système de pensée classique puis moderne, fondé sur la séparation. Le tableau cadre et détache une surface du reste du monde, il participe ainsi à l’évolution de la civilisation vers des formes de plus en plus définies et spécialisées. Sortir du tableau implique donc pour DAMIEN CABANES un saut dans un espace-temps à la fois en deçà et au-delà de ce qui fonde la séparation, autrement dit la logique dominante dans l’histoire occidentale qui tend à compartimenter chaque secteur de la science, de la pensée et de la culture, dans un souci d’efficacité et de rentabilité. En regardant les couleurs vives que DAMIEN CABANES dispose sur la blancheur délicate du plâtre pour constituer des modules et des assemblages de formes et de tailles très variables, je ne cesse donc pas de voir l’activité d’un peintre. Mais ce peintre est maintenant peintre-sculpteur-architecte-penseur-urbaniste. Le tableau et ses deux dimensions ont explosé pour laisser place à un espace pictural multidimensionnel en rapport avec la sculpture et l’architecture. Massive, brute, ces oeuvres font bloc. Dans ce faire-bloc s’affirme la présence très forte d’une unité en deçà et au-delà d’une distinction entre les arts, mais aussi entre l’esprit et la matière, entre le profane et le sacré, entre le brut et le délicat, entre l’ancien et le moderne ; ils annulent l’idée même de distinction. Les cultures ne sont plus séparées. Blocs ou assemblages de blocs font écho aux stûpas indiens ou à des structures en pagodes ou prennent des formes de cubes, de puits, de cônes, de boules. Les couleurs recouvrant le plâtre évoquent le fait que les architectures antiques, les temples égyptiens et grecs étaient peints à l’origine, tout comme l’intérieur des églises et des cathédrales et aussi les sculptures. DAMIEN CABANES définit ce moment de son oeuvre comme une « orgie de couleur », réelle volupté à trouver ou à retrouver l’expérience de l’unité et de la plénitude. Mais il n’en reste pas à chercher cette unité dans un passé plus ou moins fantasmé. En deçà et au-delà des temples et des sculptures polychromes, ses blocs ne proviennent ni d’une carrière, ni d’une montagne, ni d’une tradition esthétique déterminée ; massifs, ils peuvent aussi s’affranchir de la pesanteur du plâtre pour constituer d’aériennes structures en polystyrène ; bruts, ils sont également travaillés, agencés, réfléchis ; produits à la fin du XXème siècle et au début du XXIème siècle, ils ne portent aucune marque d’époque et nous placent dans un lieu hors temps, coïncidant avec l’émergence de ces formes et de ce qui les décide à sortir du néant.

[…]

"Hors du temps dans le temps"
Un parcours dans l’oeuvre de Damien Cabanes
Cyril Jarton
Extraits du texte à paraître dans le catalogue de l’exposition



arts plastiques contemporains
homme invisible
Galerie d'art contemporain
Peintures, sculptures et objets d'art