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Parcours de l'exposition Van Eyck. Une Révolution optique I

Article publié le 03/02/20 23:41

Contexte historique : la cour - Contexte historique: la ville - L’Homme et le mythe - Culture matérielle

Musée des Beaux-Arts de Gand

Exposition du 1er février 2020 au 30 avril 2020

Le parcours de l'exposition Van Eyck. Une Révolution optique à Gand, qui s’étend sur 13 salles du musée, débute par une évocation du train de vie luxueux de la cour itinérante de Bourgogne dans les anciens Pays-Bas. Les premières salles présentent Van Eyck comme le chambellan et le peintre de la cour du duc de Bourgogne Philippe le Bon (1396-1467) ainsi que comme un acteur important au sein du réseau des villes. Cette interaction entre la cour et des villes florissantes comme Gand et Bruges, avec leurs corporations et leur circuit d’artisans mobiles, a créé le climat propice à la révolution de Van Eyck. En guise d’introduction, le statut mythique du maître et l’appréciation de son œuvre du XVIe au XIXe siècle sont également abordés.

Après cette évocation de la vie au XVe siècle et du contexte dans lequel l’œuvre de Van Eyck a vu le jour, le visiteur plonge dans la richesse et la virtuosité de la révolution optique du maître. À travers un ensemble tout simplement impressionnant d’un peu plus de 140 peintures sur panneau, miniatures, dessins et sculptures, c’est au tour de Van Eyck lui-même d’occuper le devant de la scène. Les volets extérieurs de l’Agneau mystique guident le visiteur de salle en salle et balisent les différents thèmes : « Péché originel et Rédemption », « L’espace », « Mère et Enfant », « Saints dans un paysage », « Le portrait divin », « La Parole de Dieu », « Architecture », « La statue peinte » et « L’individu », avec de célèbres portraits de Van Eyck de certains de ses contemporains.

Le parcours de l'exposition Van Eyck oscille entre paysages panoramiques grandioses et espaces clos contemplatifs, il évoque l’interaction entre le temporel et le spirituel, zoome du macrocosme au microcosme et évolue de la communauté médiévale vers l’individu.

Contexte historique : la cour

Jan van Eyck peut incontestablement être considéré comme un peintre de cour. À partir de 1422, il évolue dans l’entourage du comte hollandais Jean de Bavière. Après le décès de celui-ci, il entre au service de Philippe le Bon, duc de Bourgogne et grand amateur d’art.

La cour bourguignonne se compose d’un groupe itinérant de quelques centaines de personnes – nobles, militaires, fonctionnaires, ecclésiastiques, domestiques et ambassadeurs étrangers – qui suivent le duc de ville en ville. Entouré de cette élite, le duc séjourne dans les palais de villes comme Bruxelles, Lille, Bruges et Gand. Au sein de la cour, la compétition fait rage : c’est à qui accroîtra le plus son prestige social, à travers l’acquisition de produits de luxe tels que des tapisseries, pièces d’orfèvrerie, manuscrits enluminés et peintures sur panneaux. Ce penchant de la cour pour le luxe a un impact sur la production artistique aux Pays-Bas. Jan van Eyck en bénéficie lui aussi. En 1425, le duc l’engage comme valet de chambre. Cette position enviable revient à ceux qui font partie du cercle intime du souverain.

Philippe le Bon et Jan van Eyck développent un lien de confiance particulier. Outre sa position de peintre de cour, Van Eyck se voit également attribuer un rôle diplomatique. C’est ainsi que l’artiste est envoyé en mission au Portugal pour y peindre le portrait de l’infante Isabelle, la future épouse de Philippe le Bon, et qu’il accompagne le duc lors de diverses missions secrètes. Par l’intermédiaire de son patron, Van Eyck peut continuer d’élargir ses connaissances intellectuelles. La richesse des bibliothèques qu’il peut consulter et le contact avec l’intelligentsia de la cour contribuent incontestablement au développement de sa peinture naturaliste.
Contexte historique: la ville

Jan van Eyck est actif dans les Pays-Bas bourguignons, une des régions les plus urbanisées d’Europe déjà à son époque. Au départ, l’économie y est surtout basée sur l’industrie textile. Mais à partir de la fin du xive siècle, l’industrie du luxe représente une part de plus en plus grande du marché, avec en premier lieu un essor de l’orfèvrerie, de la tapisserie et de l’enluminure. C’est seulement du vivant de Jan et Hubert van Eyck que la peinture sur panneau gagne elle aussi en importance du point de vue économique.

Originaires du Pays mosan, Jan et son frère Hubert migrent en Flandre. La mobilité des personnes et des biens à l’intérieur du réseau de villes qui s’étend entre Liège, Cologne, Nimègue, Bruges et Paris contribue à l’essor économique. L’idée que l’on se fait traditionnellement du milieu des artistes de la cour et de celui des artisans hautement qualifiés des corporations des villes, qui seraient deux mondes bien distincts, ne correspond pas à la réalité de l’époque. La demande d’objets d’art est grande tant du côté de l’élite courtoise que du côté de l’élite citadine. La ville est le lieu où ces deux mondes se rencontrent dans l’interaction entre demande et offre. Ainsi se développent le goût de l’innovation et de la créativité, les réseaux et les échanges entre artisans de différentes disciplines. Le dialogue, visible dans l’oeuvre de Van Eyck, avec des éléments non picturaux comme la sculpture et l’orfèvrerie découle de ce processus.
L’Homme et le mythe

Hormis une quarantaine de documents d’archives et une vingtaine d’oeuvres d’art, nous n’avons pas grand-chose pour retracer la vie, la formation et l’oeuvre de Jan van Eyck. Le niveau de sa peinture était tellement exceptionnel que les générations après lui ont donné énormément de retentissement à son oeuvre et ont étendu sa renommée. Dans son traité De viris illustribus (1456), l’humaniste et historiographe italien Bartolomeo Fazio – un de ses tout premiers biographes – ne se contente pas de fournir des informations sur quelques oeuvres aujourd’hui disparues du peintre. Il nous fait également remarquer que l’optique lui était familière. Au xvie siècle, le Gantois Lucas d’Heere écrit une ode sur le polyptyque de l’Agneau mystique. Le peintre-poète gantois nous renseigne sur l’origine de Van Eyck – « natif de Maesheyck » – et signale la présence de portraits des frères Van Eyck dans le panneau des Juges intègres. Tout comme D’Heere, ses contemporains l’historien Marcus van Vaernewijck et l’humaniste Dominicus Lampsonius font l’analogie entre Jan van Eyck et Apelle, le peintre légendaire de la cour d’Alexandre le Grand. Le seigneur de Van Eyck, Philippe le Bon, s’identifie d’ailleurs à Alexandre. Au xvie siècle, Philippe II, le Habsbourgeois-Bourguignon qui règne sur les Pays-Bas, fera de même. Ce n’est pas par hasard que Philippe II commande une copie de l’Agneau mystique au peintre Michiel Coxcie pour légitimer son pouvoir.
Culture matérielle

Jan van Eyck représente beaucoup d’ustensiles luxueux dans son oeuvre. Il visualise ainsi la culture matérielle de l’élite courtisane et citadine du nordouest de l’Europe au début du xve siècle. Miroirs convexes, lustres à bougies, chandeliers en cuivre, pots à onguent syriens, tapis d’Orient et carrelages de Valence ne sont que quelques exemples des produits exclusifs qui sont à la disposition des plus nantis à l’époque. L’extraordinaire esthétique de ces objets, leur perfection artisanale et leur puissance symbolique permettent à l’élite sociale de se distinguer par l’ostentation matérielle. Van Eyck voit dans la peinture de pièces d’orfèvrerie tells qu’un chandelier ou une cuvette en cuivre l’occasion de perfectionner sa technique picturale et de faire la démonstration de sa connaissance de l’optique. À travers le rendu ultra-détaillé de marchandises exotiques, il démontre aussi qu’il est parfaitement au courant de la dernière mode en matière d’objets de luxe. Ces objets, il les découvre avant tout à Bruges, où il achète une maison en 1431. La ville est le centre culturel de Flandre et héberge un groupe de marchands italiens qui contribuent à ce que Bruges devienne la plaque tournante des échanges économiques entre le nord-ouest de l’Europe, la Méditerranée et même l’Extrême Orient.
Suite du parcours de l'exposition : Péché original et Rédemption - L’Espace - Les Saints dans un paysage - Mère et Enfant
Article de référence :
Exposition Van Eyck à Gand : Van Eyck. Une Révolution optique. Musée des Beaux-Arts de Gand