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peinture

Alfons Mucha

Musée Fabre, Montpellier

Exposition du 20/06 - 20/09 2009


Panorama complet de la production foisonnante d'Alfons Mucha, cette exposition restitue l’atmosphère de créativité caractéristique de la Belle Epoque. Elle révèle aussi les ambitions humanistes d’un artiste slave profondément engagé qui, convaincu de son destin national, n’hésita pas à renoncer à la modernité "européenne" qui avait fait sa renommée pour se consacrer à la gloire de sa patrie.

La grande Sarah Bernhardt, séduite par son style, assure son lancement et sa réputation et en fait, de 1894 à 1900, le créateur exclusif de ses affiches. Au musée Fabre, une section originale retracera cette relation féconde en réunissant des costumes, des extraits de films et témoignages sonores de la comédienne. Alors que le public a surtout retenu ces remarquables affiches de théâtre, sa maîtrise de l’arabesque, du trait et du décor, s’est exprimée avec un égal talent dans une abondante production liée aux arts décoratifs - dessins, pastels, sculptures, objets d’art, photographies - qu’à l’occasion de réalisations monumentales.

L’année 1900 marque un tournant décisif : il obtient la médaille d’argent pour le décor du Pavillon de la Bosnie- Herzégovine à l’Exposition Universelle fréquentée par 51 millions de visiteurs ! Ce décor spectaculaire sera pour la première fois en France remonté dans sa quasi intégralité et présentée à Montpellier. Parallèlement Mucha s’intéresse à tous les arts : il s’associe avec le joaillier Georges Fouquet pour créer des bijoux, dessine meubles et objets d’arts et n’hésite pas à signer des affiches publicitaires assurant la réclame de Moët et Chandon, Heidsieck ou Nestlé.

Bien que désormais célèbre grâce à l’Art Nouveau, Mucha, ancré dans le XIXe siècle reste attaché à la peinture d’Histoire. Elevé dans une foi fervente, profondément humaniste, il souhaite participer à l’élévation spirituelle de l’Homme et mettre son talent et sa passion au service de la cause de sa vie : un programme monumental dévolu à la gloire des peuples slaves. Alors qu’il se partage entre Prague, Paris et New-York, il ambitionne de devenir le héraut de sa patrie. Rencontré à New-York, Charles R. Crane, riche industriel et homme politique aux sympathies slavophiles, accepte de financer son projet. Entre 1912 et 1926, il achève le cycle de L’Epopée slave, soit 20 tableaux couvrant près de 1000 mètres carrés de toile peinte. Deux de ces panneaux, Le Mont Athos et L’Apothéose des Slaves, exceptionnellement réunis au musée Fabre et accompagnés de nombreuses esquisses préparatoires, seront l’occasion d’une découverte aussi spectaculaire que déconcertante sur le plan formel et apporteront un précieux témoignage sur l’état politique et idéologique de l’Europe centrale en pleine émergence des mouvements nationalistes. A l’occasion de la fondation de la République tchécoslovaque en 1918, où il vit désormais, Mucha dessine les armes de la nouvelle nation, les premiers timbres-poste, des billets de banque...

En 1939, il sera brièvement inquiété, à Prague, par l’occupant nazi, sans doute en raison de son appartenance à la franc-maçonnerie, avant de s’éteindre quelque mois plus tard en juillet. Après la guerre, le pouvoir communiste en place n’apprécie pas son art "bourgeois" et il faudra attendre les années 1960 pour que son oeuvre soit redécouverte, relayée par le regain d’intérêt que connaît alors l’Art Nouveau.





Grands thèmes de l’exposition

  • Sarah Bernhardt

    Un concours de circonstance permet à Mucha de rencontrer Sarah Bernhardt, dont les talents et la gloire sont déjà internationalement reconnus. Séduite par le style de Mucha, elle propulse sa carrière et contribue à la diffusion de l’Art nouveau, notamment à travers les affiches du répertoire qu’elle joue à la fin du XIXe siècle. L’imprimeur Lemercier décide de confier à un total inconnu une affiche pour Gismonda, la nouvelle pièce de Sardou écrite pour la grande Sarah Bernhardt. Mucha, qui connaissait déjà l’actrice, travailla en toute hâte entre Noël et le jour de l’an 1894. Le succès de cette icône virginale d’une actrice adulée incita Sarah à s’attacher Mucha et fit, du jour au lendemain, de l’artiste une célébrité parisienne. Une section spectaculaire de l’exposition montpelliéraine est entièrement dévolue à la comédienne.

  • Scènes et Episodes de l’histoire d’Allemagne

    Bien avant d’envisager l’idée d’un cycle de peintures consacré aux Slaves, Mucha avait fait ses armes dans la peinture d’histoire. L’éditeur parisien Armand Colin lui propose en 1892 de collaborer avec Georges Rochegrosse à l’illustration d’un ouvrage de vulgarisation historique : Scènes et Episodes d’Allemagne, commandé à un universitaire renommé, Charles Seignobos.

    Publié par fascicules, chaque "Episode" était centré sur un personnage célèbre de la Germanie antique à l’Empire romain germanique jusqu’aux conquêtes napoléoniennes. Partisan de l’histoire événementielle, le positiviste et protestant Seignobos avait évité les sujets brûlants de l’histoire récente. Loin de se contenter de livrer au graveur de simples dessins, Mucha profite de la commande pour exécuter de grandes gouaches ou des huiles sur panneau qu’il présente lors de sa première exposition personnelle à la galerie La Bodinière en 1897. Occasion pour lui de compléter une formation académique limitée et de s’affirmer comme peintre. Tirant parti de la contrainte du noir et blanc, il joue avec les contrastes, les diagonales, les raccourcis, misant sur un détail anatomique pour accentuer le caractère généralement sinistre des scènes. Le végétal lui même peut se faire accessoire pour commenter, telles les racines d’arbre, sinistre labyrinthe reflété dans l’eau croupie, les noeuds et les impasses de la destinée. Individuelles ou collectives, les catastrophes du pacifiste Seignobos trouvent en Mucha des traductions violentes qui rappellent les horreurs de la guerre de Trente Ans (Sac de Magdebourg) ou des guerres de Religion (Mort de Jan Hus sur le bûcher à Constance).

  • Ilsée, Princesse de Tripoli

    L’illustration du conte Ilsée, Princesse de Tripoli, de Robert de Flers en 1897 permet à Mucha d’expérimenter en miniature ce jeu subtil entre la figure et l’ornement qui a fait son succès d’affichiste. Autour de la typographie, une chorégraphie de lignes et de couleurs mêle motifs naturalistes, stylisés ou abstraits. L’auteur mêle dans ce roman le badin au sérieux, le poétique au cocasse, pour mieux mettre en valeur le rôle éthéré du troubadour provençal amoureux d’une princesse orientale ; ce qui permet à Mucha une grande latitude dans le traitement de l’illustration, passant lui aussi du symbolisme au grotesque, de l’illustratif à l’abstrait selon la tonalité du texte. Chaque page étant conçue comme un tout, Mucha partage la typographie en un, ou plusieurs paragraphes, puis mêlant l’illustration figurative, l’ornement stylisé ou abstrait, compose une véritable paraphrase visuelle.

    L’artiste choisit la taille du texte en fonction de l’unité du sens. Réduisant parfois la typographie à un quart de page ou la morcelant en deux rectangles quand l’illustration symboliste prend le dessus, mais il lui arrive de la tendre sur toute la page, seulement accompagnée d’un bandeau ornemental grotesque ou symboliste.

    Certains de ces cadres ne comportent qu’une scène figurative, stricte illustration, d’autres sont simplement remplis de végétaux stylisés dans la tradition d’un Maurice Verneuil. Mais la plupart du temps tous les registres entrent dans la composition de la page : champ clos où l’artiste affine les différents aspects de son talent. L’originalité de l’entreprise fut particulièrement appréciée dans le numéro spécial de La Plume consacré à Mucha l’année suivante, chaque page étant commentée à nouveau par le critique. Pour réaliser ce travail titanesque, il s’adjoignit une équipe de collaborateurs et déménagea rue du Val-de-Grâce dans ce qui devint son atelier et son appartement parisien définitif.

  • Affiches

    L’Affiche est inséparable du nom de Mucha. Multiple, elle a répandu son nom et son art dans les rues des grandes villes, de Paris à New York. Conçues d’abord pour vanter avec efficacité les produits de l’industrie, les affiches voient la stridence de leurs couleurs et la violence de leur typographie inséparables de l’essor de la production de masse. Avant de se lancer dans la "Réclame", de la bière, du savon, du chocolat ou des bicyclettes, c’est par le théâtre que Mucha découvre ce nouveau support. La légende veut qu’au jour de l’an 1894, une nouvelle affiche pour l’actrice Sarah Bernhardt ait été confiée à un total inconnu "Mucha" qui devint immédiatement célèbre. Pour le papier à cigarettes JOB, Mucha crée de languides créatures enroulées dans le double labyrinthe de leurs cheveux et des volutes de la fumée. De célèbres champagnes, Ruinard ou Moêt et Chandon, réclament Mucha qui devient pour un temps l’esclave du commerce. Mais cette servitude lui permet d’exploiter ses procédés graphiques comme cette auréole ou fer à cheval érotique qui attire l’oeil du spectateur vers la "Femme Mucha" et son produit. Ce succès se traduit par la production annexe de Panneaux Décoratifs selon des thèmes traditionnels : les heures du jour, les saisons, les fleurs. En 1902, décidé à se consacrer à la peinture, Mucha publie le testament de son oeuvre de graphiste : les Documents Décoratifs, qui démontrent l’efficacité professionnelle de son travail.

  • Le Pater

    Le succès d’Ilsée incite l’éditeur Piazza à lui commander l’illustration d’un nouveau livre de luxe. Ici Mucha est à la fois le rédacteur et l’illustrateur de cette paraphrase du Pater Noster. Chaque verset est accompagné d’un texte de commentaire qui permet de comprendre la scène figurative qui l’accompagne.

    "Le Pater est le commentaire artistique de l'oraison dominicale. L'artiste a vu dans cette prière les étapes successives de la lente ascension de l'homme vers un idéal divin", écrit dans la très catholique revue Le mois littéraire et pittoresque de mai 1900 le père assomptionniste Abel Fabre qui ajoute : "La traduction plastique qu'il en donne sort des concepts auxquels nous a habitués l'iconographie chrétienne. Dieu n'est plus ce vieillard à barbe blanche qui représentait l'Ancêtre des Temps ; c'est l'être immense et fort qui remplit tout de son ombre gigantesque."

    Les différentes scènes représentent l’évolution de l’humanité, des cavernes et de l’obscurité primitives vers la lumière de l’esprit et de la divinité. Cette vision d’une humanité en marche, reprend, sous le signe de l’esprit, les idées diffusées par Darwin et reprises à l’époque par de nombreux cercles occultes. Entre catholicisme et occultisme, Mucha tente une synthèse qui lui semble proche de la vision de la franc-maçonnerie à laquelle il adhère en 1898. La série de diagrammes géométriques et symboliques permet de mémoriser en une image l’interprétation complexe proposée par Mucha. Les tensions violentes entre l’Eglise et l’Etat en France à l’époque expliquent cette volonté de trouver une voie de réconciliation entre le positivisme et la foi. Ses amis Albert de Rochas et l’astronome Camille Flammarion partageaient cette vision ou la science conduisait à la connaissance de l’esprit.

    Si la complexité du message n’avait pas choqué le critique catholique de la Bonne Presse en 1900, la traduction tchèque de 1902 fut purgée de toute notion syncrétiste et les prudentes approches de la Divinité sont remplacées par le concept délibérément monothéiste et chrétien de Dieu.

  • Vers l’objet – Documents décoratifs

    Aussi à l’aise dans la création d’une ornementation stylisée que dans la création d’un ornement abstrait, Mucha est également un dessinateur hors pair comme le révèlent ses études de botanique où il démontre, comme Hector Guimard ou Victor Horta, sa fascination pour les courants et les noeuds de croissance du végétal. Cette maîtrise graphique, permet de comprendre avec quelle liberté il conçoit les planches de ses Documents Décoratifs publiés en 1902. Vitalité du trait, autonomie de l’arabesque, et observation botanique s’intègrent parfaitement aux nécessités fonctionnelles. Loin de simplement remplir, orner ou embellir, ces tiges nerveuses se métamorphosent pour former les parties constitutives de l’objet. Végétales ou abstraites, plates ou en trois dimensions les tiges deviennent tour à tour pieds, verseur ou poignées. La dernière planche, présentant une salle à manger, laisse regretter que Mucha n’ait pas trouvé dans le domaine du décor intérieur et de l’objet, en dehors du bijoutier Georges Fouquet, la même clientèle que la Wiener Werkstätte à Vienne. Cantonnés au papier et à l’imagination, les objets de Mucha, sont, pour cette raison même, de fantasmatiques témoins d’une époque et d’un style qui, à la date de parution des Documents décoratifs, étaient déjà menacés d’inflation. La boutique du bijoutier Fouquet de 1901, miraculeusement sauvée du dédain qui entoura très vite l’Art nouveau, est aujourd’hui le plus étonnant témoignage de l’activité et de l’invention de Mucha au moment de l’Exposition de 1900 à Paris. Elle est évoquée dans l’exposition à partir de la reconstitution du musée Carnavalet avec vitrines, meubles et dessins du décor réalisés par Mucha.

  • La boutique Fouquet

    Lorsqu’il succède à son père en 1895, à l’âge de 34 ans, le bijoutier Georges Fouquet est bien décidé à s’entourer de nouveaux talents pour faire évoluer le style de la maison : "J’ai toujours prôné l’appel aux artistes étrangers à l’art du bijou, abandonnant le dessinateur spécialisé, c’est l’architecte qui apporte ses connaissances des masses, des lignes, le sculpteur avec ses reliefs, puis le peintre pour les couleurs et enfin l’artiste qui fait des affiches collées sur les murs, qui connaît l’art de la rue."

    Contemporain de Mucha, le bijoutier Georges Fouquet avait été frappé par la présence de bijoux extravagants dans ses affiches comme le serpent enroulé sur l’avant-bras de Sarah Bernhardt en Médée qui souligne la férocité de l’infanticide. C’est d’ailleurs pour la comédienne qu’il commande à Mucha son premier dessin de bijou : une reprise du bracelet de Médée relié par une chaînette à une bague également à tête de serpent en 1899. En même temps il lui propose d’imaginer un ensemble de parures de tête et de corsages accompagnés de leurs épaulières et de leurs pendentifs, de colliers de chien, de broches et de bagues pour le stand Fouquet de l’exposition universelle de 1900. Ces "bijoux d’artistes" exécutés chez Fouquet par l’atelier, confondent la critique. Fabuleuse "réclame" pour Fouquet qui décide de s’installer dans une nouvelle boutique dont il confie la réalisation à Mucha en face du restaurant Maxim’s. Pour la première fois, jouissant d’une liberté absolue, il peut réaliser un ensemble complet, aujourd’hui remarquablement remonté au Musée Carnavalet à Paris. A l’intérieur, pour ne pas trop rivaliser avec les clientes, Mucha renonce sagement aux représentations féminines trop marquées, au profit de formes végétales ou cristallines. Combinant l’acajou, le bronze, le cuir, les velours, les vitraux et la mosaïque, dessinant vitrines et sièges, cheminée et fontaine, il réalise un habitacle hors du monde, sorte de Nautilus du luxe où les élégantes et leurs protecteurs peuvent perdre la tête en toute insouciance.

  • Pastels et fresques autour de 1900 – Pavillon de la Bosnie-Herzégovine

    Grâce aux pastels, qui naissent autour de 1900, Mucha s’attache à traiter la dialectique complexe ombre/lumière : la lumière ne luit pas sans créer des zones d’ombre et même, elle ne peut être perçue qu’en raison de leur existence. Champs de bataille, sabbats bachiques ou infernaux, apparitions d’êtres immenses dans les lointains, de spectres dans des gouffres, visages que l’on devine dans la poudre du pastel ou qui s’imposent avec la netteté d’une hallucination. Les sujets traités peuvent aussi bien toucher aux visions mystiques proches du Pater qu’à des réminiscences ou des craintes de guerre, ou encore à l’horreur du quotidien. Certains fusains sont de la même veine, et nous les retrouvons en partie dans les tons vert et bleu de la grande fresque ornementale du pavillon de Bosnie- Herzégovine.

    Commandé à Mucha par le gouvernement viennois mais réalisé sous le contrôle de l’administration de Sarajevo, le décor du pavillon de la Bosnie-Herzégovine fut une des grandes réussites de l’Exposition universelle de Paris en 1900. Les évocations du passé de ces deux provinces ottomanes confiées à l’administration austro-hongroise, sont à la gloire d’une cohabitation sereine des religions et des moeurs. Des temps primitifs à la romanisation, en passant par l’étrange épisode des Bogomiles, tout est peint en couleurs idylliques. Ici Mucha conserve le contour qu’il a expérimenté dans le monde de l’Affiche pour en cerner les silhouettes de ses personnages à qui quelques hachures donnent du modelé et du relief. L’emploi de couleurs transparentes aux teints lumineux contribue à la légèreté enfantine d’une bande dessinée aux dimensions d’un panorama. Traitement judicieux qui permet de garder à ces compositions monumentales la légèreté qui convient à des illustrations narratives. Simplicité réalisée au même moment en petit format par Mucha pour les illustrations historiques du Clio d’Anatole France. Dans le registre supérieur du décor, des légendes bosniaques rappellent ses pastels et fusains symbolistes aux tonalités nettement plus sombres.

  • La Maison municipale de Prague

    Comprenant une salle de concerts, de nombreux salons de réceptions ou de conférences et offrant sur la rue boutiques, cafés et restaurants, la Maison municipale inaugurée en 1912, outre sa volonté d’une urbanisation moderne, a aussi valeur de manifeste patriotique : affirmer le prestige de Prague, leader de la culture slave, sur le lieu même d’une ancienne résidence royale que les Habsbourg avaient négligée au profit du château.

    Alors qu’il est approché à Paris par le maire de Prague en 1909, Mucha écrit à sa femme : "Nous avons évoqué la germanisation de Prague par l’intermédiaire de la Sécession et mes craintes en ce qui concerne le bâtiment municipal. Mais le maire m’a assuré qu’il est un aussi grand ennemi de la Sécession et de ses apôtres que moi." Lorsqu’il a connaissance du mouvement de protestation des artistes tchèques à l’annonce de la commission qui lui avait été confiée, Mucha se voit en sauveur de la culture autochtone : "Quel dommage qu’il y ait tant de gens mesquins en Bohême, mais ce n’est pas encore un peuple, ce sont des enfants et des enfants mal élevés. […] Tout ce qu’ils font n’est qu’imitation et, ce qui est pire, imitation de l’Allemagne." On peut toutefois se demander si Mucha était bien placé pour se faire le champion d’un art national, lui qui avait donné ses lettres de noblesses à l’Art nouveau français et répandu avec ses panneaux décoratifs le type même de la Parisienne imitée dans le monde entier ?

    Situé sous la grande coupole ornée d’une mosaïque à la gloire de Prague, le Salon du maire devait incarner le caractère "panslave" de la "Maison de la Ville". Tout autour de la salle, les allégories féminines de Mucha s’effacent, inspiratrices des vertus slaves incarnées par les Grands Hommes de la Nation Tchèque. Seule héroïne, une reine, n’est là que pour avoir sauvé son fils, un futur roi. Sur les trois grands panneaux muraux, mis en valeur par un subtil jeu de clair obscur, quelques robustes anatomies masculines se dégagent. Hommes faits ou éphèbes, ils incarnent l’esprit patriotique, leur chair rose orangée se détachant du fond bleu violet où règne, abattue et sombre, la Patrie. Ces figures médiatrices évoquent les athlètes du Sokol ou Faucons qui cherchent à rénover l’esprit slave lors des grandes parades des slets. Le grand Slet de 1912 qui devait réunir près de 18,000 Sokols à Prague est célébré par une vibrante affiche de Mucha où la ville de Prague est protégée par le génie Sokol avec son faucon présent ici. Couronnant la composition de la pièce, la voûte plate de la coupole nous convie à l’apothéose des Slaves sous les ailes protectrices du faucon.

  • L’Epopée slave, prêt exceptionnel

    "Déjà en 1900, à Paris, je m’étais promis de consacrer la deuxième moitié de ma vie à cette oeuvre qui était destinée à construire et renforcer chez nous le sentiment national. Je suis convaincu que l’évolution de chaque peuple ne peut progresser avec succès que si elle pousse d’une façon organique et ininterrompue de ses propres racines" écrit Mucha lors de la première exposition à Prague en 1928 du vaste cycle pictural à la gloire des Slaves entrepris en 1910. À cette date, il décore le salon du maire de Prague d’un premier Hymne à l’unité slave.

    Mucha peut alors se lancer dans l’entreprise qui couronne son existence grâce au mécénat de Charles Richard Crane, industriel américain slavophile proche du président Woodrow Wilson. Ses archives, aux extraits publiés aujourd’hui dans la version française du catalogue de l’exposition, permettent de suivre l’opiniâtreté et la folle énergie que mit l’artiste dans la réalisation de ce programme de plus de 800 mètres carrés de toiles peintes à la détrempe. L’étape montpelliéraine en dévoile les étapes finales : Le Mont Athos, que Mucha réalise après un voyage sur les lieux en 1924 et dont de nombreuses oeuvres préparatoires sont également présentes dans l’exposition, et L’Apothéose des Slaves, exemple triomphal de la facilité avec laquelle l’artiste marie les différents registres et styles, de son audace dans l’emploi des couleurs qui acquièrent une symbolique de plus en plus forte à la fin de sa vie, et de son goût pour le théâtre qui ne l’a jamais quitté.

    Après la guerre et l’espoir qui entoure la nouvelle République Tchécoslovaque, l’artiste peut donner libre cours à son amour de la patrie jusque dans les menues tâches du dessin des billets de banque ou des timbres-poste et ce sont finalement 20 tableaux monumentaux qui sont offerts à la ville de Prague, ils sont conservés aujourd’hui au château de Moravský-Krumlov.

  • Les photographies de Mucha

    Si "regarder, c’est inventer", selon le mot de Salvador Dali, un des premiers redécouvreurs de l’Art nouveau, Alfons Mucha nous laisse grâce à la photographie son génie d’invention à nu. Qu’il n’ait pas cru bon, de son vivant, de montrer son travail photographique tenait sans doute aux préjugés du temps qui faisaient de la photographie la servante de la peinture. On la gardait dans la cuisine de l’atelier sans lui donner trop d’importance. Modèles occasionnels de l’atelier parisien, amis, membres de sa propre famille, villageois de Zbiroh, tous ont accepté de se prêter au jeu. Les mises au carreau des clichés de Mucha ont montré superbement qu’il se servait de la photographie pour intégrer les poses dans ses compositions, même les plus vastes comme l’Épopée slave. Mais que nous apprennent ces rapprochements sinon qu’un créateur est aussi présent dans les indications qu’il donne au modèle, dans le cadrage de la photographie, dans le choix qu’il opère entre plusieurs essais que dans l’esquisse dessinée ou la peinture finale ? Mucha avait même réalisé dans son atelier un cadre ornemental reprenant son fameux schéma d’affiche pour l’expérimenter au stade même de la photographie. Qui est la maîtresse, qui est la servante ? Aujourd’hui, on commence à regarder les photographies des peintres sans pour autant se sentir obligé de montrer à quoi elles avaient pu servir. Portraits de famille, paysages, reportages (dans les Balkans ou en Russie), Mucha a tout expérimenté, même la photographie "scientifique" comme en témoignent certains clichés, non publiés alors, de poses hypnotiques de Lina de Ferkel dans son atelier. Qu’il s’agisse des lois mystérieuses de la suggestion, des fantaisies malicieuses de ses comparses comme Gauguin, du regard hébété des vagabonds russes devant le Kremlin, ou de la complaisance de ses proches, Mucha choisit ou ordonne le moment et nous instruit sur l’évolution de son regard. Le tirage numérique d’un nombre important de négatifs sur verre par la Fondation Mucha révèle un certain nombre de clichés nouveaux même si beaucoup d’entre eux étaient déjà connus par des tirages anciens. En privilégiant les clichés de pose, nous voyons que l’attitude des modèles évolue mais aussi que la position du corps tient autant aux modèles sociaux d’une époque qu’aux désirs de l’artiste. Des corps de femmes se tortillant sur le célèbre fauteuil Renaissance de l’atelier parisien à la vigueur drue des anges du mont Athos dans la verrière de Zbiroh, des poses méditatives et symbolistes de Jaroslava Mucha aux langueurs extatiques des muses slaves, se lit une histoire du corps et de ses représentations. Souvent le bras de Mucha ou sa jambe servent de point d’appui au modèle, dépendant, jusqu’au déclic libérateur, des instructions et des exigences obsessionnelles de l’artiste. La complexité parfois comique des échafaudages montre que Mucha, au-delà même des accessoires, poursuivait imperturbable, sa vision.



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