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Odilon Redon

Grand Palais, Paris

Exposition du 23 mars 2011 au 20 juin 2011




- Le monde obscur de l’indéterminé : visages de Redon (extraits) par Rodolphe Rapetti, commissaire général de l’exposition Odilon Redon au Grand Palais.

"Énigmatique Redon. Plus on cerne son personnage, plus il semble s’éloigner dans la brume qu’ont créée autour de lui depuis maintenant près d’un siècle les commentateurs, et qu’il avait lui-même générée, peut-être involontairement. En effet, il n’est à l’heure actuelle pas d’artiste d’une importance équivalente à propos duquel il reste encore autant à découvrir. Aurait-il péché par excès de discrétion ? Sans être à proprement parler effacé, son personnage n’a pas le relief dans lequel le XXe siècle a choisi la plupart de ses dieux. Thadée Natanson, qui en 1894 l’appelait « Prince du Rêve », le peint dans la dernière partie de sa carrière comme un homme discret, bien que secrètement ardent : « À l’ordinaire, sa personne comme sa conversation, celle-ci aussi amortie que celle-là, faisaient penser, beaucoup plus qu’aux redoutables inventions du lithographe et à ses noirs, beaucoup plus aux papillons et aux fleurs où le peintre semble avoir transposé quelque chose du surnaturel imprimé dans la pierre, en particulier aux poussières légères dont il excelle à diaprer apparitions d’ailes et de pétales. » Tout au long de son existence, Redon évitera les péripéties, les voyages, les excès, les troubles ou les exils des « maudits » que d’ailleurs il appréciait lui-même pour leur art : Cézanne, Gauguin et, dans une moindre mesure, Van Gogh. Au contraire, autant et peut être avant que d’être artiste, il fut bourgeois. Une photographie le montre vers la fin de sa vie, assis au chevalet, avenue de Wagram. Le costume ni la pause ne sont ceux que l’on a coutume d’associer aux peintres dans ce type de document ; la fenêtre que l’on aperçoit dans le fond est celle d’un appartement et n’évoque nullement les grandes baies de l’atelier, dont Redon se passera durant toute sa carrière comme pour mieux préserver un certain dilettantisme de la création, ne jamais franchir le pas séparant le bourgeois du peintre. Redon vit alors dans un appartement cossu que la peinture a envahi. […]

À une certaine ambiguïté de la personnalité correspond assez étroitement dans l’oeuvre de Redon une ambivalence thématique qui génère elle aussi le doute, à cette différence près qu’ici les documents sont plus nombreux et moins équivoques que ceux concernant l’homme. Il est patent que Redon a semé le trouble dans les relations qu’entretient son oeuvre avec ses sources littéraires. Lorsqu’André Mellerio l’interroge à ce sujet, l’artiste considère sa question comme impudique, et juge que révéler l’origine de ses créations leur ôterait leur mystère : « […] il ne m’est pas possible de répondre à toutes les questions que vous me posez. Le point initial de mes ouvrages vous importe-t-il tant que ça ? Ne vaudrait-il pas mieux le cacher un peu ; est-il bien de regarder ainsi la naissance ! […] Je voudrais vous convaincre que tout ne sera qu’un peu de liquide noir huileux, transmis par le corps gras et la pierre, sur un papier blanc, à seule fin de produire chez le spectateur une sorte d’attirance diffuse et dominatrice dans le monde obscur de l’indéterminé. Et prédisposant à la pensée. / Voilà ce qui devrait vous suffire. Toutes les raisons que je vous donnerais sur la contexture de mes albums vous paraîtraient insignifiantes et puériles ; elles leur enlèveraient le prestige qu’ils doivent avoir. Encore une fois, il est bon d’entourer toute genèse d’un mystère. » […]

Il y a indiscutablement un parallélisme entre l’orientation du Redon tardif vers une certaine forme de classicisme et le revirement des symbolistes vers la mythologie, la culture méditerranéenne et ses paysages. On peut se poser la question absurde de savoir ce qu’aurait peint Redon s’il avait franchi le cap de la première Guerre mondiale. Les notes prises en 1912 par le critique Walter Pach à la suite d’un entretien avec l’artiste portent à cet égard le témoignage d’une curieuse réflexion qu’il lui fit : « On ne devrait jamais agir selon un plan préétabli, mais croire en l’aventure magnifique de l’évolution. Si je voyais un ouvrier tué en tombant d’un bâtiment, je pourrais en être tellement impressionné que j’en deviendrais réaliste afin de peindre cela, - et malgré tout je n’éprouverais pas le besoin de renier mon passé. » L’indétermination que Redon semble avoir cultivée dans la thématique de ses oeuvres toucherait-elle alors également au style, ou faut-il ne voir qu’une boutade dans cette réflexion à un critique d’art venu d’outre-Atlantique ? On sait que durant la guerre, Redon prenait à la gare de Bièvres des croquis d’après les soldats qui partaient ou s’en revenaient du front, ce qui pourrait confirmer le réalisme auquel le peintre fait allusion. Il nous semble plus important, et surtout étrange, que cette image venue à l’esprit de Redon démarque une célèbre citation de Delacroix rapportée par Baudelaire : « Si vous n’êtes pas assez habile pour faire le croquis d’un homme qui se jette par la fenêtre, pendant le temps qu’il met à tomber du quatrième étage sur le sol, vous ne pourrez jamais produire de grandes machines. » À partir des mots de Delacroix, qui concernent exclusivement les capacités techniques de l’artiste, Redon évoque un univers pictural dont la recherche d’émotivité semble proche du naturalisme, auquel on le sait pourtant totalement étranger. Cette réflexion révèle le phantasme d’une versatilité stylistique, qui ne laisse pas d’étonner. Mais d’autre part on ne saurait définir de façon plus imagée la place de celui qui arrive après : chez Redon, l’homme est déjà à terre. Sa paraphrase de Delacroix porte probablement en elle la conscience aiguë d’être entré sur la scène artistique à un moment creux de l’histoire, cette fin des années 1860 que les frères Goncourt décrivent au début de Manette Salomon comme morne et futile, après la période héroïque du combat entre Ingres et Delacroix. Redon adhérait à cette conception, comme le montre cette appréciation sur Delacroix : « Les bons ou appréciables peintres qui l’ont suivi, que l’on désigne, on ne sait pourquoi, du nom d’impressionnistes, ont donné des fruits moins rares, convenons-en : il faut les cueillir près du sol, un peu bas. » Les racines de Redon plongent dans le romantisme. Il est né un quart de siècle avant les protagonistes les plus agissants du symbolisme, auquel il n’adhéra jamais formellement, bien que rétrospectivement il en apparaisse comme l’un des inventeurs, si ce n’est même le créateur le plus original et le plus déterminant. Cette conscience historique joua sans doute un rôle essentiel dans l’aspect mélancolique de son oeuvre. Il paraît miraculeux, et c’est là un mystère probablement insoluble, que cette ombre ait par la suite donné une telle lumière."



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