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La caisse à remords. Picasso graveur

Musée d'Art moderne de Belfort - Donation Maurice Jardot

Exposition du 4 octobre 2019 au 19 janvier 2020

Le Musée d'Art moderne de Belfort - Donation Maurice Jardot consacre une exposition à Pablo Picasso intitulée La caisse à remords. Picasso graveur.

Lors de son emménagement à la villa La Californie à Cannes en 1955, Picasso dispose d'un vaste atelier où il peut déployer l'ensemble de son travail passé et présent, pour avoir une vue générale.

Au printemps 1960, Picasso examine des plaques de cuivre qu'il avait gravées plus ou moins récemment et qui n'avaient pas encore été tirées. En accord avec son marchand, Daniel-Henry Kahnweiler, le tirage devait être de soixante épreuves (cinquante pour la vente et dix épreuves d'artiste). Quelques tirages achevés par Frélaut sont signés en 1961.

Plus de deux mille feuilles sont portées à Picasso par Kahnweiler et son collaborateur Maurice Jardot. Devant cette montagne de papier, Picasso demande qu'on la mette dans un coin, préférant travailler plutôt que de se consacrer à cette tâche fastidieuse.

Lorsqu'il meurt en 1973, il ne les a pas signées. Le nom de « caisse à remords » est lié à la négligence de Picasso mais surtout au remords de Kahnweiler de ne pas avoir suivi le conseil de Frélaut et de ne pas avoir insisté pour que celles qui lui revenaient soient signées.

L'histoire de la « caisse à remords » est significative de la manière dont Picasso aborde l'estampe et sa diffusion. Il crée près de deux milles estampes entre 1899 et 1972, en se passionnant pour l'aspect artisanal des procédés d'impression : il a en effet un sens particulier des matériaux et des techniques, sachant les dompter afin qu'ils servent sa création.

Le plus souvent, Picasso grave par goût pour l'expérimentation et non pour honorer une commande. Malgré la possibilité offerte par l'estampe de reproduire largement son œuvre, il n'est pas non plus sensible à cette diffusion auprès d'un large public. Picasso attache davantage d'importance à la recherche graphique qu'aux questions de tirage, de diffusion et de commercialisation de ses impressions.

Qualifié parfois de « grand récapitulateur » (Jean Clair), Picasso est marqué par son regard vers le passé et par sa capacité à transformer ce qu'il sait et voit de l'histoire de l'art. Il n'est donc pas étonnant de considérer la série de « la caisse à remords » comme une forme de concrétisation de ce retour vers le passé et, en l'occurrence, son propre passé.

Parmi les sujets récurrents dans l'œuvre de l'artiste, la « caisse à remords » se caractérise par un grand nombre de portraits ou d'études de visages (quinze planches) et par plusieurs illustrations de scènes de famille ou de couple (sept planches). Les scènes de plage (huit planches), avec ses baigneuses nues, sont emblématiques des années 1920, tout comme les bacchanales (six planches) sont caractéristiques de la liberté retrouvée après la Seconde Guerre mondiale.

La gravure permet une approche plus intime pour Picasso. Les différents états, à chaque étape de l'exécution, sont révélateurs de son esthétique, qui est celle d'un processus : « on ne peut vraiment suivre l'acte créateur qu'à travers la série de toutes les variations », dit-il à Brassaï. Au sujet de sa manie de tout dater, Picasso explique qu'« il ne suffit pas de connaître les œuvres d'un artiste. Il faut aussi savoir quand il les faisait, pourquoi, comment, dans quelle circonstance ». La possibilité de faire des épreuves, à travers les « états » de la gravure, constitue un avantage par rapport à la peinture.

Plus que la peinture ou le dessin, ce medium lui permet d'exprimer son inconscient ou un profond lui-même.

Si la « caisse à remords » est composée presque exclusivement de gravures sur cuivre faites à l'eau-forte, Picasso est aussi capable d'aborder l'ensemble des techniques : « le plus noble, le plus riche est l'eau-forte, sans doute. Il fallait donc enrichir la lithographie au moyen de la technique de l'eau-forte. La gravure sur bois ou sur linoléum est la plus artisanale, la moins raffinée. » Picasso ne veut pas « faire œuvre d'art », il ressent uniquement le besoin d'exprimer les peines et les joies de sa vie, en utilisant une technique propre à chaque moment.

Picasso invente mille manières pour se sentir dans le moment présent : cette « disponibilité » active, conquérante et inventive détermine le mode de création de l'artiste.

Il faut noter l'extrême variation des styles parmi les estampes de Picasso : « Le style, c'est quand on est mort », dit-il à Malraux. Hors de question de figer la vie, on parlera donc du processus créatif de Picasso comme d'un talisman jouant le rôle d'ouvroir de la réalité vers une autre dimension.

Un choix d'estampes du Kunstmuseum Picasso de Münster permet une lecture croisée des thèmes abordés par l'artiste, et souligne combien son œuvre gravé constitue comme un diagramme de sa sensibilité. Les thèmes du quotidien (natures mortes), l'élan de liberté (les bacchanales), les visages des femmes aimées, les admirations artistiques : à travers quelques exemples, le spectateur est le témoin de plusieurs moments de la vie de Picasso.

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