Biographies Artistes - Expositions - Galeries & Musées - Lexique

Parcours de l'exposition Van Eyck. Une Révolution optique II

Péché original et Rédemption - L’Espace - Les Saints dans un paysage - Mère et Enfant

Musée des Beaux-Arts de Gand

Exposition du 1er février 2020 au 30 avril 2020

• Péché original et Rédemption
  
  Les figures élancées d’Adam et Ève font partie du registre supérieur du retable de l’Agneau mystique ouvert. La représentation du premier couple humain, qui symbolise l’ensemble de l’humanité, s’intègre parfaitement dans le programme religieux du polyptyque. Le thème central de celui-ci est en effet le rachat du péché originel par le Christ, symbolisé par l’Agneau mystique. L’agrume intact dans la main droite d’Ève indique que les deux personnages sont représentés ici dans l’état de pureté et de perfection qui a précédé le péché originel. C’est cet état que l’homme médiéval cherche à atteindre tout au long de sa vie à travers la dévotion.
  Bien que les panneaux d’Adam et Ève n’aient pas encore été restaurés, l’épaisse couche de vernis encrassé ne réussit pas à masquer la revolution optique de Van Eyck. Dans le rendu extrêmement réaliste des nus monumentaux, le peintre a recours à la force de la suggestion. En disposant Adam et Ève dans d’étroites niches, il donne au spectateur l’impression qu’il s’agit de sculptures. De surcroît, il renforce leur réalisme en peignant le pied d’Adam comme sortant du cadre. De cette manière, il fait la liaison entre l’espace du tableau et l’espace où se tient le spectateur.
  
  Les thèmes bibliques du péché et de la rédemption sont indissociables. Le récit de la Passion n’est pas explicitement évoqué dans l’Agneau mystique. Mais Van Eyck utilise la représentation du Portement de croix, par exemple, pour d’autres oeuvres autonomes. Les quelques crucifixions présentées ici – chacune avec le Christ au centre sur la croix, flanqué de Marie et Jean éplorés – sont des copies fidèles et souvent contemporaines d’un original eyckien.
  
  
• L’Espace
  
  Une des nombreuses innovations de Jan van Eyck est sa manière de traiter l’espace. Il consacre en effet autant d’attention à l’image globale qu’aux details les plus infimes.
  
  En peignant des vues de villes, Van Eyck introduit des morceaux de la réalité dans des représentations bibliques. À cela, le peintre ajoute des éléments imaginaires. Il produit ainsi un ensemble crédible mais fictif. Sur le tableau eyckien Les Trois Marie au tombeau, on peut voir, tout comme dans la série de crucifixions, la ville sainte de Jérusalem : le Dôme du Rocher et le SaintSépulcre sont clairement reconnaissables, même si le peintre les dispose au milieu de maisons typiquement flamandes.
  
  La Vue de ville et l’Intérieur avec lavabo récemment restaurés de l’Agneau mystique font partie de la représentation de l’intérieur bourgeois dans lequel a lieu l’Annonciation. Pour render l’espace intérieur de la manière la plus réaliste possible, le peintre y fait figurer des objets du quotidien, comme une marmite en cuivre attaché à une chaîne, un lavabo et une serviette. Au moyen d’un jeu d’ombre et de lumière dans lequel il fait intervenir les objets en cuivre et l’encadrement du tableau, il crée de la profondeur et une tridimensionnalité. Il recourt en outre à un système de perspective empirique. L’espace intérieur de la Vue de ville combine plusieurs points de vue. Ce mode de représentation produit une image en réalité impossible, mais visuellement cohérente.
  
  
• Les Saints dans un paysage
  
  Dans la foi des contemporains de Van Eyck, les saints occupaient une place cruciale. Les croyants s’associent à leur nom, leur profession et leur mode de vie, et invoquent leur protection et leur soutien pendant la prière. Fidèle à la tradition, Van Eyck représente sainte Barbe et saint François avec leurs attributs habituels, qui font allusion à des épisodes marquants de leur vie. Sainte Barbe est assise devant la tour dans laquelle, selon la légende, son père la fit emmurer pour la détourner de ses convictions chrétiennes. Saint François porte l’habit de son ordre religieux, une robe de bure serrée par un cordon, et est représenté avec un crucifix ailé. A ses mains et ses pieds, nous voyons ce qu’on appelle les stigmates, les mêmes blessures que celles infligées au Christ lors de la crucifixion.
  Les paysages à l’arrière-plan occupent une place spéciale dans ces oeuvres. Jan van Eyck applique la nouvelle méthode de la perspective atmosphérique, qui crée l’illusion de la profondeur. Ce qui est proche est défini avec une grande acuité et ce qui se trouve au loin est flou. Cet effet de profondeur est renforcé par les différentes couches de couleur, qui se fondent délicatement les unes aux autres.
  
  Jan van Eyck peint les paysages d’une façon inédite. Il se distingue de ses prédécesseurs par la crédibilité de l’espace qu’il construit. La façon don’t il met la nature en scène est totalement innovante. Il l’aborde avec une égale attention pour l’infiniment petit et l’infiniment grand. Il observe les montagnes, les arbres, les rochers, les plantes, les animaux, les nuages et même la lune avant de les représenter dans ses tableaux. Le sens du détail et la precision naturaliste de Van Eyck sont tells que les scientifiques sont capables d’identifier les différents éléments de la nature qu’il dépeint. Le vif intérêt de Van Eyck pour la nature est imité par les artistes qui viennent après lui, comme nous le constatons dans les details et la vue panoramique des représentations de saint Christophe et saint Jean.
  
  
• Mère et Enfant
  
  Outre l’adoration des saints, le culte de Marie est extrêmement répandu dans la pratique religieuse individuelle au début du xve siècle. Dans les Pays-Bas bourguignons, la demande de petits tableaux de dévotion sur ce thème est dès lors très grande. Avec la Vierge à la fontaine, Jan van Eyck répond à cette demande.
  
  Van Eyck peint la Vierge à la fontaine en 1439, la dernière année où il a signé des oeuvres qui nous sont connues. À peu près au même moment, une réplique à l’identique voit le jour, probablement dans l’atelier même de Van Eyck. Van Eyck peint le cadre de la première version en imitation marbre. Y figurent non seulement sa signature et la date, mais également la devise personnelle du maître : ALS ICH CAN. La signification de cette devise, du mieux que je peux, témoigne d’un haut degré de conscience de soi.
  
  Le tableau, petit mais fascinant, réunit de nombreuses caractéristiques de la révolution optique de Van Eyck. Le contraste entre l’ombre et la lumière dans le vêtement, les multiples reflets qui donnent à la fontaine de cuivre son délicat scintillement, l’éclat de la broderie sur la toile d’honneur sont une illustration de son réalisme minutieux. Le haut degré de précision dans le rendu de l’eau de la fontaine laisse de surcroît supposer que Van Eyck ne s’est pas simplement basé sur son sens de l’observation pour représenter l’agitation et le giclement de l’eau. Pour le rendu d’éléments en mouvement et de l’action de la lumière sur ceux-ci, il a sans doute fait appel à sa connaissance des sciences naturelles. À l’inverse de Van Eyck, ses contemporains italiens utilisaient la feuille d’or et la détrempe à l’oeuf, de sorte qu’ils obtenaient des effets de lumière, d’ombre, de profondeur et de couleur totalement différents.

  Suite du parcours de l'exposition : La Parole de Dieu - Architecture - La Sculpture peinte - L’Individu - Le Portrait divin

  Article de référence :
  
  
• Exposition Van Eyck à Gand : Van Eyck. Une Révolution optique. Musée des Beaux-Arts de Gand