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Biographie George Grosz

"Ma chance était à Berlin... Aux côtés de Cézanne et de Van Gogh, les galeries d'art exposaient également de jeunes représentants de la peinture française – Matisse, Derain, Picasso et d'autres qui commençaient déjà à être connus. Berlin comportait les plus grands théâtres, un cirque à chapiteau géant, des cabarets, des revues. Des brasseries vastes comme des halls de gare, des tavernes qui occupaient quatre étages, la course des six jours, des expositions futuristes, un concours international de tango, un cycle Strindberg au théâtre de la Königgrätzstraße – c'était tout cela, Berlin, à l'époque où je vins m'y installer" George Grosz

George Grosz, de son vrai nom Georg Ehrenfried Gross naît le 26 juillet 1893 à Berlin. Il y décède le 6 juillet 1959.

George Grosz vit ses premières années entre Berlin et Stolp, en Poméranie (aujourd'hui Slupsk en Pologne), au gré des affectations professionnelles de son père, aubergiste. Malgré le décès de son père alors qu'il n'a que 8 ans, George Grosz vit une enfance sans histoire, nourrie graphiquement des revues illustrées en vogue à l'époque, comme les Fliegende Blätter (Feuilles volantes) ou le Leipziger Illustrierte (Illustré de Leipzig) auxquelles il est abonné, et par les cirques ambulants. Il s'amuse à remplir des carnets de croquis d'après des oeuvres d'artistes allemands, tel Wilhelm Busch.

George Grosz
George Grosz


Fasciné par la ville, George Grosz commence par réaliser des paysages urbains, mais très vite, les personnages entrent en scène et prédominent la composition, tantôt dans des cafés ou cabarets, tantôt à leur domicile, au coeur même de leur intimité. La violence est déjà présente, exprimée dans des bagarres, des mouvements de foule ou des scènes de crime.

En 1914, anticipant la mobilisation générale à laquelle il ne pourrait échapper vu son jeune âge, George Grosz préfère s'engager comme "volontaire de guerre" dans le 2e régiment de grenadiers à Berlin plutôt que de subir une affectation qu'il n'aurait pas choisie. En route pour le front, il tombe malade et après un séjour en hôpital militaire et l'opération d'un abcès aux sinus, il est déclaré "inapte au service" et renvoyé l'année suivante, en mai 1915. Il revient alors à Berlin et ne cesse de travailler, créant des oeuvres majeures.

L'année 1916 est importante à plus d'un titre : par haine de l'Allemagne en guerre, l'artiste américanise son nom, de Georg Gross en George Grosz, tandis que la revue littéraire Die weissen Blätter (Les Feuilles blanches) publie un essai enthousiaste sur l'artiste, qui, du jour au lendemain, le rend célèbre dans tous les cercles artistiques.

Réincorporé en janvier 1917 comme réserviste, il doit former des recrues et s'occuper de prisonniers de guerre. Mais le lendemain- même de son arrivée, il est victime d'une dépression nerveuse. Envoyé à l'hôpital militaire, il est pris d'un accès de folie et agresse un officier. Transféré en maison de santé, il est considéré comme déserteur et condamné à être fusillé mais, grâce à l'intervention de son protecteur, l'influent comte Harry Kessler, Grosz est finalement déclaré "durablement inapte au service" et réformé le 20 mai 1917.

Le style de George Grosz évolue, il recherche la concision et l'efficacité du trait. Ses premiers portfolios, Erste George Grosz Mappe (Premier album George Grosz), comme Kleine Grosz Mappe (Petit album Grosz) paraissent pendant la guerre et présentent principalement des scènes de rue et de bistrot ainsi que des vues de ville. Mais c'est véritablement après sa rencontre avec les frères Wieland et Helmut Herzfelde (ce dernier anglicisera son nom et sera connu sous le nom de John Heartfield), et la création par ceux-ci des éditions Malik en 1917 à Berlin que Grosz parvient à faire imprimer et éditer à grand tirage et à grande échelle livres et portfolios.

Le portfolio Gott mit uns (Dieu avec nous), exposé au salon DADA, vaut à Grosz d'être accusé pour outrage à l'armée du Reich. Loin de les décourager, ces turpitudes judiciaires ne font que conforter les frères Herzfelde et Grosz dans leur combat artistique et politique. Les revues, livres et portfolios qui paraissent les années suivantes aux éditions Malik poursuivent cette critique de la politique de l'époque. Ces années sont particulièrement prolifiques pour Grosz, qui, fidèle à ses convictions, réalise également des dessins et des collages pour des revues politiques satiriques et radicales. Les menaces incessantes et les poursuites engagées ne font que décupler sa force créatrice.

A côté de ses lithographies, Grosz utilise également la technique de l'aquarelle, mais contrairement à la plupart des artistes, il ne peint pas à l'aquarelle un dessin déjà esquissé au crayon ou à la plume, mais peint directement sa composition pour ensuite l'affiner à la plume. Les traits en sont ainsi plus nets et distincts. Avec une économie de moyens, issue de la pratique de la caricature à ses débuts, le style de Grosz évolue vers un plus grand réalisme, rejoignant le courant de la Nouvelle Objectivité qui se répand en Allemagne au début des années 20.

Par la production de ses portfolios, Grosz atteint son but : dénoncer les injustices sociales et les extrémismes politiques en touchant un large public. Ses portfolios atteignent des tirages importants : 10.000 exemplaires pour Ecce Homo (Voici l'Homme) fin 1922 et Hintergrund (Arrière-plan), en 1928. Sa charge se durcit, malmenant les institutions : l'armée, l'église, les politiques responsables de la guerre, la bourgeoisie industrielle et financière. Les résultats ne se font pas attendre : accusation de "diffusion de documents obscènes", condamnation financière, retrait de certaines planches pour Ecce homo, que Grosz défend avec ardeur : "C'est un document témoin de cette période d'inflation, avec ses vices et ses moeurs dissolues, il produit un effet aussi brutal que l'époque qui l'a inspiré. C'est ainsi qu'ont vu le jour toutes les oeuvres qui m'ont valu des poursuites ; ces oeuvres ne sont pas imaginables sans ces gens et sans cette époque, et si l'on m'accuse, alors on accuse l'époque, ses atrocités, sa corruption, son anarchie et son injustice."

Cette période de création intense est entrecoupée de séjours en France : en 1924, Grosz se rend pour la deuxième fois à Paris, où la célèbre Galerie Billiet lui organise sa première exposition personnelle. Les séjours à Paris et en Bretagne sont autant de respiration, loin du tumulte allemand et des tracas judiciaires, au point que Grosz envisage de venir y vivre plusieurs années. Le projet n'aboutira pas, mais Grosz parvient néanmoins en 1927 à passer près de sept mois sur la Côte d'Azur.

Les parenthèses françaises permettent à l'artiste de traiter de sujets plus anodins, ou sous un angle moins douloureux. Ainsi, la prostitution, qu'il dénonçait en Allemagne comme l'exploitation de la misère humaine par des proxénètes sans scrupule, prend ici des allures plus posées. Un marin à la silhouette succinctement esquissée longe une façade devant laquelle des femmes se sont assises, attendant les clients.

Les dessins politiques et sociaux de George Grosz ne lui attirent pas que des ennuis judiciaires : dès le début des années 20, il reçoit des menaces anonymes et des attaques physiques. Il figure sur la liste noire des nazis avant même l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Cette insécurité, combinée à sa fascination pour l'Amérique alimentée par les lectures de son enfance, le poussent à voyager aux états-Unis, où il est d'ailleurs invité en 1932 par l'Art Students League de New York, école d'art renommée. Le 12 janvier 1933, il émigre dans la même ville, juste à temps pour échapper à un groupe de soldats de la Section d'assaut venus l'arrêter dans son atelier.

Sur place, Grosz est très bien accueilli : sa popularité y est grande et les galeries l'invitent à exposer. D'importantes personnalités de la vie publique et de la société américaine connaissent son travail depuis plusieurs années, comme Ernest Hemingway qui possédait dans sa collection des aquarelles de l'artiste. En 1935, les célèbres éditions The Black Sun Press proposent de publier un portfolio avec des reproductions de dessins et un texte de John Dos Passos : Interregnum (Interrègne) paraît en octobre 1936, dans une édition de grande qualité, avec une lithographie signée et au tirage volontairement restreint. Grosz prépare méticuleusement ce portfolio, de la même manière qu'il avait réalisé les précédents à Berlin : les dessins ne sont ni des études ni des esquisses préalables à une future peinture à l'huile, mais un ensemble cohérent et abouti.

Bien qu'éloigné physiquement, Grosz continue à suivre l'évolution politique en Europe. La guerre d'Espagne notamment l'incite à produire de nombreux dessins et aquarelles où il expose sa vision cauchemardesque de la situation. Parallèlement à son activité d'enseignant, il réalise de grandes toiles très colorées où le chaos domine : "Je sens simplement que partout, tout s'émiette, explose, s'entasse ; et c'est porté par ces visions que je réalise maintenant mes feuilles."

En 1947, le magazine américain Look publie les résultats d'un sondage réalisé auprès de directeurs de musées, commissaires d'expositions et critiques d'art, pour déterminer les dix artistes américains vivants les plus importants. Grosz figure parmi les artistes les plus plébiscités. Il est alors une personnalité artistique célèbre et sollicitée mais malgré tous ces hommages, sa situation financière reste précaire. Au début des années 50, il effectue quelques voyages discrets en Allemagne et revient définitivement en 1959. Son retour est alors salué par la presse. Quelques semaines après, George Grosz décède, victime d'un arrêt cardiaque.

"Il ne fait aucun doute que mes feuilles comptent parmi les propos les plus violents que l'on ait tenus contre cette brutalité allemande. Aujourd'hui, elles sont plus vraies que jamais... et on les montrera plus tard à une époque, pardonnez-moi le terme, "plus humaine", de la même façon que l'on montre aujourd'hui les planches de Goya". George Grosz

Citations George Grosz

"Je dessinais par exemple une table d'habitués de la Bierhaus Siechen, où les hommes étaient comprimés dans de hideux sacs gris, pareils à d'épaisses masses de viande rouge. Pour parvenir à un style restituant la dureté et l'insensibilité de mes objets d'une manière radicale et sans fard, j'étudiais les manifestations les plus immédiates de la pulsion artistique. Je copiais dans les pissotières les dessins folkloriques. Ils m'apparaissaient comme l'expression et la traduction la plus directe de sentiments forts. Les dessins d'enfants me stimulaient aussi à cause de leur caractère univoque. C'est ainsi que je parvins progressivement au style tranchant comme un couteau, dont j'avais besoin à l'époque pour transcrire sous forme de dessins mes observations dictées par une négation absolue de l'homme."

"Puis c'est l'incendie du Reichstag : la nouvelle tombe, éclaire toute chose sous un jour sinistre. Je commence alors à comprendre que la providence a voulu m'épargner. Dans le secret de ma chambre new-yorkaise du petit hôtel Cambridge sis dans une rue transversale, je remercie le dieu qui a guidé mes pas jusqu'ici. Peu de temps après, une lettre de Berlin m'apprit qu'on était venu me chercher, à notre ancien appartement berlinois, ainsi qu'à mon atelier. J'étais un rescapé, un miraculé..."

"La plupart de mes amis se moquaient de moi parce que je ne pouvais expliquer ce qui m'oppressait vraiment. Mais une fois rentré en Amérique, mes tableaux devinrent prophétiques. Une voix interne me poussait à peindre la destruction et les ruines ; j'appelais certaines de mes toiles Apokalyptische Landschaften (Paysages apocalyptiques), bien que ce soit un peu avant que tous ces événements se passent."

Vidéo George Grosz



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