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Monumenta 2012 - Daniel Buren

« EXCENTRIQUE(S) », travail in situ

Grand Palais, Paris

Exposition du 10 mai 2012 au 21 juin 2012




monumenta 2012
Le Grand Palais - © Collection Grand Palais, François Tomasi

Pour son édition 2012, Monumenta invite l'artiste français Daniel Buren. A voir à Paris à partir du 10 mai 2012.

Après l'édition Monumenta 2010 consacrée à Christian Boltanski et Monumenta 2011 à Anish Kapoor, Daniel Buren est l'artiste invité de Monumenta 2012 au Grand Palais.

Chaque année, depuis 2007, dans le cadre de la manifestation intitulée Monumenta, un artiste contemporain d'envergure internationale présente une installation monumentale et inédite, conçue spécialement pour l'espace de la Nef du Grand Palais à Paris.

Daniel Buren se mesure à l'espace grandiose du Grand Palais grâce à un dispositif inédit. Fidèle à sa démarche exigeante, l'artiste poursuit depuis 50 ans une réflexion sur les enjeux de l'oeuvre in situ grâce à une gamme d'outils en apparence minimale. Les bandes de couleurs alternées, les miroirs, les filtres colorés sont autant de vecteurs de transformation de l'espace qui, à la manière des inventions les plus évidentes, sont d'une efficacité redoutable.

Ce travail de "réflexion" sur le lieu permet à Daniel Buren d'engager le visiteur avec lui dans une profonde métamorphose de sa perception : ce qu'il croyait connaître est, par la grâce d'un geste simple mais d'une complexité cachée, comme retourné sur lui-même. Le regard voit "autrement".

Daniel Buren, qui s'est mesuré aux espaces publics les plus complexes dans le monde entier et qui a transfiguré des lieux aussi mythiques que le Guggenheim de New York, retrouve avec le Grand Palais une échelle démesurée (les 13 500 m² et les 35 mètres de hauteur de la Nef du Grand Palais) pour un projet qui ne pourra s'inventer que dans la confrontation avec les spécificités du lieu.

Pour Monumenta 2012, Daniel Buren plonge les public au sein d'un Grand Palais métamorphosé. Le parcours dans l'espace fait activement participer le visiteur au déploiement et à l'activation plastique et spatiale d'une oeuvre inédite, fidèle à la démarche exigeante d'un grand artiste dont la discrétion des outils engendre un maximum d'effets, révélant des dimensions cachées, un potentiel jusque là invisible, une histoire ancienne et d'aujourd'hui.

Pour répondre à toutes les attentes et pour que chacun puisse, au-delà des a priori, se familiariser à l'art contemporain, les visiteurs peuvent disposer – gracieusement – de l'accompagnement de médiateurs spécialisés, dont les connaissances et les talents de pédagogues multiplient les possibilités d'accès et de compréhension de l'oeuvre.

En collaboration avec le ministère de l'Éducation nationale, les publics scolaires bénéficient d'une programmation spécifique, pluridisciplinaire et ludique, de la maternelle au lycée.

C'est en créant dans l'action que l'artiste sublime les contraintes et en fait la matière même de son oeuvre. Avec la complicité de Patrick Bouchain et Loïc Julienne de l'agence d'architecture "Construire – Reconstruire", qui assurent la maîtrise d'oeuvre du projet, Daniel Buren crée dans le Grand Palais un "recadrage" à la fois architectural et lumineux.

La construction de l'ensemble est confiée à "Art Project", dirigé par Patrick Ferragne.

Save the date : cap sur Monumenta 2014





Daniel Buren en quelques concepts clefs

Textes extraits de l'album de MONUMENTA 2012 – Daniel Buren
Auteur : Jean-Marie Gallais

  • Travail in situ

    La notion de travail in situ, telle que Daniel Buren l'emploie pour définir son activité artistique dès 1965, signifie que l'oeuvre naît de l'espace dans lequel elle s'inscrit ; elle ne saurait être envisagée sans considération de son lieu de présentation, dans et pour lequel elle est conçue.

    Ce postulat-méthode est élaboré tandis que l'artiste mène des expériences picturales ; il constate rapidement que « l'environnement de la peinture [..] semble toujours plus important et plus riche que la peinture elle-même.» Or ce caractère déterminant du contexte est bien souvent oublié, ignoré ou accepté sans discussion, au nom de la « soi-disant autonomie de l'oeuvre d'art » (une oeuvre aurait un contenu intrinsèque qui agirait de la même manière en toutes circonstances). Une idée contre laquelle lutte Daniel Buren, affirmant que le lieu agit sur l'oeuvre, de façon extrêmement forte et toujours non-dite, que le musée notamment soumet les oeuvres à ses contraintes et à ses implications sous-jacentes, presque toujours en contradiction profonde avec les oeuvres exposées.

    À travers la notion de travail in situ, il tente d'inverser cette relation, afin que ce soit l'oeuvre qui transforme le lieu ou, du moins, le révèle tel qu'il est, dévoile ses spécificités et donc le poids qu'elle a sur elle. Pour cela, elle doit répondre à un principe simple : sa conception, sa fabrication, son exposition doivent être déduites du lieu et réalisées sur place ; une méthode qui implique la perte de l'atelier et l'abandon des formats habituels (toiles transportables d'une cimaise à une autre, photos, films, objets en trois dimensions, etc.).

    Daniel Buren va ainsi de lieu en lieu sans connaître au préalable ce qu'il va réaliser, sa biographie officielle se limitant à la phrase « vit et travaille in situ » : l'essentiel est à faire, à voir, à expérimenter, dans le lieu même. À chaque fois les dispositifs sont uniques et détruits à la fin de l'exposition (sauf commandes pérennes), puisqu'ils ne peuvent être installés ailleurs (seule exception : les oeuvres situées). Chaque oeuvre de Daniel Buren est donc indissociable de son site, qu'elle soit en osmose avec lui ou érigée contre lui.

    Travailler in situ, c'est questionner la liberté supposée de l'artiste et, surtout, dévoiler les spécificités insoupçonnées mais signifiantes des lieux, offrir une nouvelle vision du lieu et de l'oeuvre qui s'y montre ainsi « élargie ».

  • Travail situé

    Le travail in situ, intimement lié au lieu dans lequel, pour lequel et en fonction duquel il est conçu, est par définition non déplaçable. Mais il existe une deuxième série d'oeuvres, qui peuvent circuler suivant des règles à chaque fois définies : ce sont celles que Daniel Buren nomme les travaux situés.

    Dès l'origine, les travaux sur toiles rayées, bien que proches à plus d'un titre de la peinture, pourtant toujours accompagnées d'une notice indiquant succinctement comment ces oeuvres devaient être présentées lors de toute exposition dans un autre espace. Plus précisément encore, c'est en 1975, en raison d'une contrainte, que la notion de « travail situé » s'est développée : le musée de Mönchengladbach, en Allemagne, où Daniel Buren venait d'exposer, devait déménager et transporter son oeuvre dans un nouveau bâtiment, la question alors s'est posée : comment déplacer les oeuvres ?

    Tout comme certaines pièces de l'art conceptuel peuvent être « rejouées » en différents contextes selon un protocole, des travaux situés peuvent être rejoués dans différents endroits, à conditions de suivre des principes établis par l'artiste - mais contrairement à l'art conceptuel, et c'est une différence fondamentale, l'oeuvre ne saurait se réduire à ces instructions, elle n'existe que physiquement, dans un espace.

    La plupart des Cabanes éclatées sont, par exemple, des travaux situés, dispositifs indissociables d'un environnement mais qui ont la capacité de s'adapter à un nombre infini de situations différentes et qui, à chaque fois, changent elles-mêmes, autant qu'elles transforment le lieu.

    Ce ne sont pas pour autant des oeuvres qui peuvent s'accrocher « n'importe où », insiste Daniel Buren, et on retrouve là sa lutte contre la « soi-disant autonomie de l'oeuvre d'art » ; il y a bien une règle du jeu à suivre et un type d'espace à adopter, ce sont des travaux mobiles dont on peut voir différentes combinaisons, différentes versions.

    La métaphore du théâtre semble le mieux correspondre au principe des travaux situés : à chaque installation, c'est une pièce de théâtre que l'on rejoue ; le texte n'a pas bougé, mais la mise en scène, le décor, n'ont rien à voir avec la première représentation et en changent considérablement notre appréhension, tout comme elles changent l'apparence de la scène.

  • L'outil visuel

    Les bandes verticales alternées, blanches et colorées, de 8,7 cm de large, peuvent apparaître comme étant la signature du travail de Daniel Buren. Plutôt qu'une signature, elles sont un signe, le seul élément immuable des oeuvres de l'artiste (parmi d'autres éléments innombrables et variés, en constant renouvellement) et ce depuis plus de quarante ans, et pour des raisons bien précises.

    Alors qu'il peint et qu'il s'intéresse déjà au motif que constituent les bandes, Daniel Buren, en 1965, remarque ces rayures régulières sur un tissu au célèbre marché Saint-Pierre, à Paris. Elles lui semblent d'abord intéressantes comme fond révélateur pour la peinture : « Ce dessin a deux avantages : d'abord se montrer et ne pas être confondu avec un fond neutre ; et aussi pouvoir servir de guide à ce qui va s'inscrire sur la toile. » Ses réflexions amènent Daniel Buren à constater que l'environnement de la peinture est devenu plus prégnant que la peinture elle-même. Le motif des bandes alternées apparaît alors comme un formidable instrument révélateur à déployer dans l'espace, ce qu'il appellera son outil visuel.

    Cet outil, disposé judicieusement dans un lieu donné, peut attirer l'attention et en même temps s'intégrer au site : c'est cet équilibre qui a permis à Daniel Buren de le conserver, son efficacité ne s'étant jamais démentie. À la manière de ponctuations, les bandes verticales révèlent les spécificités, les dimensions d'un lieu (elles fonctionnent comme un instrument de mesure) ; elles incitent aussi le spectateur à porter un nouveau regard sur un endroit familier, elles sont un appel, un signe, le seul élément invariant d'un vocabulaire qui s'est renouvelé de lieu en lieu, au fil des ans.

    Cependant, c'est aussi un leurre que l'artiste tend : il ne faudrait pas considérer l'outil visuel comme un motif en soi, répété à l'envi. L'oeuvre n'est pas là, mais bien dans ce que ce signe montre et révèle au spectateur attentif. C'est un motif lisible selon son contexte, tout comme un même et unique mot, utilisé de phrase en phrase depuis des siècles et des siècles par des millions de personnes, ne dit jamais exactement la même chose et ne prend son sens particulier que dans les contextes différents où il est parlé.

  • La couleur

    La couleur est présente depuis le départ dans le travail de Daniel Buren. Au moment où il arrive sur la scène internationale, son usage est pourtant curieusement proscrit, les avant-gardes (art minimal et art conceptuel, essentiellement) se contentant du blanc et du noir, voire de gris et d'ocres, teintes neutres, ou bien encore de la couleur brute des matériaux utilisés, prétendus gages de sérieux. Daniel Buren se démarque par un usage de couleurs franches, jugées décoratives, adjectif qu'il assume parfaitement car « d'une certaine façon, l'art n'a jamais cessé de se préoccuper du décoratif ».

    Lorsqu'il utilisait du tissu à bandes, Daniel Buren était tributaire des quelques coloris disponibles, puis il a commencé à imprimer ou faire fabriquer ses propres outils : s'est alors ouvert un éventail infini de possibilités, dans lesquelles il a volontiers puisé tout en jouant avec la teinte naturelle, les effets des matériaux, la lumière, etc. La couleur prend de plus en plus de place dans son travail. Il faut dire qu'elle offre des qualités irréductibles : elle rayonne, diffuse, prend un certain volume, elle peut être appliquée à l'outil mais aussi à d'autres éléments du dispositif : murs, parois,... Le spectateur se retrouve alors « pris » dans la couleur, qui a conquis l'espace tridimensionnel.

    Le choix et l'agencement des nuances dans une oeuvre relèvent du hasard, à de rares exceptions près (souvent pour des raisons de lecture). Ainsi, le goût personnel de l'artiste n'entre pas en jeu dans la composition. Ordre alphabétique, ordre des couleurs de l'arc-en-ciel, tirage au sort : ce n'est pas dans leur agencement que les couleurs agissent, mais au sein d'un dispositif et avec leurs caractéristiques propres.

    « J'utilise la couleur en ayant conscience qu'il s'agit d'un élément fondamental des arts visuels. C'est l'un des rares éléments que les artistes peuvent aborder et toucher et qui est d'une certaine façon de la pensée pure. C'est impossible de la transcrire ni en musique, ni en parole, ni en philosophie, en rien ! C'est brut ! ». Les couleurs sont probablement l'une des choses les plus intrigantes et importantes de l'art visuel, un élément clé de la philosophie de Daniel Buren.

  • La lumière

    La lumière, déterminante pour la perception, est intégrée aux travaux de Daniel Buren. Tout aussi insaisissable et indescriptible que la couleur, elle joue avec certains matériaux, réfléchissants, translucides ou transparents, ainsi qu'avec les formes et les ombres, avec les couleurs justement, transformant l'oeuvre et son environnement à chaque instant.

    Par une infinité de configurations, de manière plus ou moins évidente, la lumière fait donc toujours partie de l'ensemble – ce qui n'étonnera pas, dans la logique du travail in situ, puisque notre appréciation d'un lieu peut totalement changer en fonction de sa lumière, ou de son éclairage.

    D'ailleurs, Daniel Buren a souvent mis en évidence à travers ses travaux dans les institutions, des questions d'éclairage propres aux musées : lumière zénithale naturelle masquée au profit d'un éclairage artificiel stable, verrières et puits de lumière mal utilisés ou éclairages manipulant la perception des oeuvres.

    Daniel Buren a également recours à l'éclairage artificiel, notamment lorsqu'il s'agit d'éclairer un espace pendant la nuit. Ainsi « Les Deux Plateaux », dans la cour d'honneur du Palais-Royal à Paris, offrent-ils un spectacle tout autre au crépuscule, lorsque l'éclairage se met en marche. Ce sont deux lectures possibles de l'oeuvre, diurne et nocturne, ce qui montre encore la puissance et l'influence de la lumière sur notre perception.

    Depuis les dispositifs les plus simples (lumière naturelle), traditionnels et ancestraux (lampions, lanternes, vitraux) jusqu'aux dernières innovations technologiques (fibres optiques), la sensation lumineuse, qui influe sur l'apparence des objets et des espaces, est l'un des éléments fondamentaux avec lesquels jouent les interventions de Daniel Buren. La lumière traverse, change, se colore, elle est brutale ou tamisée, naturelle ou artificielle : dans tous les cas elle agit indéniablement et considérablement sur notre vision, au fil des heures et des saisons.

  • Refléter

    Le reflet est l'un des éléments auxquels Daniel Buren a pu avoir recours dans ses dispositifs, au travers de miroirs, de matériaux réfléchissants ou de jeux d'eau. Sa première des propriétés est l'inéluctable inclusion de l'espace autour de l'oeuvre (on ne peut pas refléter seulement l'oeuvre), appuyant la position de l'artiste sur l'interrelation fondamentale entre l'objet et son contexte.

    En outre, un reflet n'est jamais fixe, il est toujours dépendant de la position du regardeur : on retrouve là une autre idée défendue par Daniel Buren : aucun point de vue unique ne saurait être privilégié. Le miroir « contextualise » donc l'objet en fonction de la mobilité du spectateur : il y a une infinité de points de vue possibles, et ceux-ci sont toujours fragmentaires.

    Dans certains cas enfin, l'usage du reflet offre un « effet spécial » : l'impression d'infini lorsque deux miroirs sont placés face à face, la multiplication du reflet dans les angles, l'annulation des frontières, ou encore la vision périscopique, qui offre un spectacle inédit et surprenant.

    Au-delà de ces effets, Daniel Buren confie au miroir un vrai rôle, celui d'un « troisième oeil », qui permet de voir en même temps ce qu'on a devant les yeux et derrière la tête. Ainsi le miroir « n'a pas forcément l'ambition de réfléchir quoi que ce soit, mais a plutôt l'intention de montrer des choses bien particulières, que seuls des miroirs peuvent montrer. J'irais même jusqu'à dire que le miroir ne rend jamais rien de manière mimétique, mais qu'il montre toujours quelque chose d'autre. De plus, il transforme l'espace et permet de voir plus et différemment. »

    Refléter, c'est donner une autre façon de voir, dynamique, c'est aussi toujours renvoyer l'oeuvre à autre chose, à l'extérieur, à son regardeur. La question du miroir a évidemment fasciné nombre d'artistes au XXe siècle, mais Daniel Buren puise ses références bien au-delà et évoque, avec le regret qu'ils n'aient pas subsisté, les « morceaux réfléchissants qui se trouvaient sur certaines des batailles d'Uccello » à la Renaissance.

  • Points de vue

    Comment regarde-t-on une oeuvre ? Et son environnement ? Comment une oeuvre engage-t-elle notre regard ? Comment un lieu regarde-t-il un autre lieu ? Qu'y a-t-il à voir à travers une fenêtre ? Les questions de points de vue sont multiples, et fondamentales dans l'histoire de l'art.

    Au point de vue unique généralement employé par les artistes, Daniel Buren propose d'en substituer une multiplicité, laissant au spectateur la liberté de choisir sa propre perspective et d'en changer à sa guise. C'est pourquoi, à n'en pas douter, la meilleure approche de son art est la déambulation, chaque pas offrant une nouvelle vision de l'oeuvre et du lieu avec lequel elle fait corps.

    Daniel Buren oppose ainsi au point de vue « monoculaire, univoque et dictatorial » des tableaux utilisant la perspective linéaire de la Renaissance, par exemple, une « perspective réelle », mise en jeu à chaque instant par un spectateur actif. « Il y a non plus un ou deux points de vue fixés d'avance, mais une multitude, sans hiérarchie et sans commandement, qui se répondent, interfèrent, s'induisent les uns les autres, s'enrichissent, se contredisent. Chaque point de vue a un sens propre qui ne réduit pas les autres à néant. »

    Comme pour les fresques italiennes, les Nymphéas de Claude Monet ou le Merzbau de Kurt Schwitters, le visiteur orchestre sa propre perception de l'oeuvre et du site. Son expérience est unique, progressive et active (à la différence de celle offerte par la grande majorité des tableaux exposés dans les musées, face auxquels on demande au visiteur d'adopter un seul point de vue, frontal, sous peine de ne rien voir du tout).

    Il y a d'ailleurs souvent un travail virtuel à faire en synthétisant plusieurs points de vue : un plan à imaginer, des lignes à relier visuellement et mentalement. En contrepartie de cette liberté, la vision que l'on a de l'oeuvre est toujours fragmentaire, ce qui intéresse aussi Daniel Buren. Jamais on ne peut en avoir une appréhension globale, si ce n'est par la déambulation, enchaînement dynamique de points de vue personnels sur l'oeuvre, mais aussi sur l'extérieur, le contexte.

  • Révéler

    La « révélation » est l'un des enjeux de l'art de Daniel Buren. Il ne s'agit pas d'une révélation au sens mystique, ni prophétique, ni d'une prétention à la vérité absolue, mais d'une révélation critique et sensée. Une révélation en quelque sorte similaire à celle que procurent les instruments optiques : on voit d'une autre manière, on perçoit ce que l'on ne percevait pas forcément, on nous dévoile l'invisible. L'art de Daniel Buren pourrait être considéré dans son ensemble comme un « outil pour voir », un outil à la disposition du spectateur.

    Dès les premiers affichages sauvages dans la rue, à la fin des années 1960, il s'agit de révéler les règles implicites et/ou inconscientes qui régissent le domaine de la vision, les conditions de visibilité de l'art et les faux présupposés sur l'artiste, ce que Daniel Buren développera continuellement ensuite, lorsque des institutions l'inviteront.

    Chacune de ses interventions révèle alors des contraintes que l'on a masquées : « ce n'est pas parce que les contraintes ne se dévoilent pas au premier coup d'oeil, qu'elles n'existent pas. Une grande partie du travail que je fais, s'évertue à les débusquer puis, dans les meilleurs cas, à les dévoiler ».

    Lorsqu'il agit sur un environnement ou un site particulier, ce sont les éléments insoupçonnés ou oubliés qui surgissent grâce à son intervention : le sous-sol du Palais-Royal et la convexité de sa cour d'honneur avec « Les Deux Plateaux », par exemple. C'est un apprentissage de la vision et un élargissement du champ visuel que propose Daniel Buren avec chacune de ses interventions.

    L'artiste est un révélateur et ses moyens sont, à chaque fois, réinventés en fonction du lieu ; ils prennent généralement la forme d'un dispositif dont le seul élément fixe est l'outil visuel, ces bandes alternées de 8,7 cm de large, instruments de mesure, de rythme et de « révélation », signe devenu signature, en tout cas indice d'une enquête à mener.

  • Mouvement

    Pour Daniel Buren, le spectateur doit être actif et explorer une oeuvre sous différents points de vue ; l'oeuvre elle-même doit prendre en compte cette dimension : certains de ses éléments ne s'apprécient qu'avec le mouvement, et elle peut elle-même être mobile.

    Daniel Buren a exploré en profondeur les possibilités offertes par le mouvement. En 1975, il a réalisé un ballet dans les rues de New York, à l'échelle de la ville (Seven Ballets in Manhattan). Pendant sept jours, sept acteurs ont porté à bout de bras des pancartes affichant l'outil visuel : les bandes colorées alternées blanches et colorées, en lieu et place des habituels slogans, messages publicitaires ou de revendications. Ils marchaient chaque jour dans les rues d'un quartier différent, selon les instructions et la chorégraphie précise de l'artiste. Un étrange ballet qui interrogeait, brouillait le paysage habituel, faisait lever les yeux en l'air, se mêlait à la mobilité incessante de la ville, un travail en mouvement permanent.

    On y retrouve l'idée de la déambulation, de l'inéluctable relation entre un objet et son contexte, et de l'instabilité, de la multiplicité des points de vue et des perspectives. Cette fois, c'est l'oeuvre elle-même qui prend en charge ce mouvement et l'impose au spectateur.

    Daniel Buren a ainsi orchestré plusieurs oeuvres performatives ou évolutives. Ici, les couleurs se dévoilent, là, elles changent au fil du temps et du mouvement. Ces démarches nous rappellent combien son oeuvre est à rapprocher des modalités du théâtre ou même du cirque (Daniel Buren participe, depuis une douzaine d'années, à l'aventure d'une compagnie de cirque pluridisciplinaire, le Buren-Cirque).

    L'oeuvre d'art ne tient plus figée dans son cadre, accrochée au mur du musée, elle passe par la fenêtre et vagabonde. Le mouvement devient son moteur : le vent gonfle les drapeaux, les bannières, comme les voiles de bateau, les bus et les trains emmènent l'art sur leurs chemins, les escalators deviennent cascades, les couleurs et les formes fuient et s'adaptent sans cesse, rien n'est établi. Au regard et au corps de se mettre en mouvement, à leur tour.

  • Le son

    La sonorité est une question qui a beaucoup hanté les arts visuels du XXe siècle, alors que les dispositifs d'enregistrement, de diffusion et de création sonore se développent constamment ; néanmoins cette voie reste assez confidentielle et encore inexplorée par nombre d'artistes.

    Daniel Buren a mené des expériences sonores depuis ses débuts. Lorsqu'il expose avec trois autres artistes au Salon de la Jeune Peinture de 1967, tous les quatre fixent, dans la salle où ils exécutent leurs peintures en direct, un haut-parleur qui délivre ce message en trois langues : « Buren, Mosset, Parmentier, Toroni vous conseillent de devenir intelligents ! ».

    L'artiste ne se contente plus de peindre, il parle directement au spectateur et cela est intégré dans l'oeuvre. Ce ne sera pas la seule fois que l'on entendra la voix de Daniel Buren, qui décrira des actes ou lira des textes, comme dans certaines de ses vidéos et performances. Mais l'usage du son, ce n'est pas seulement l'adresse vocale. Parfois c'est de la musique qui est en jeu, qu'il s'agisse de collaborations (avec le groupe expérimental Loupideloupe) ou de sélections de musiques existantes. Et de manière régulière, le son intervient dans les travaux de Daniel Buren comme élément de mesure (la sonorité d'un espace donne des indices de son volume), ou de révélation (l'ouïe peut attirer la vue vers d'autres éléments : c'est le cas du bruit de l'eau qui s'écoule sous « Les Deux Plateaux » et qui dévoile le sous-sol, ou bien encore du circuit d'eau qui parcourait tout l'espace du moulin à Albi : A contre-courant, travaux in situ et en mouvement, en 2008).

    Le son, instrument pour révéler l'invisible, permet surtout d'ajouter une dimension à l'oeuvre d'art. Ce qui est entendu complète ce qui est vu, l'un ne pouvant se réduire à l'autre. Sons enregistrés (voix de l'artiste ou de proches), musique, son des éléments et des matériaux : il faut ajouter une quatrième présence sonore, en perpétuelle évolution, dans le travail de Daniel Buren : celle des lieux d'intervention, dont l'ambiance, incontournable, est toujours de fait intégrée à un travail in situ.

  • Les photos-souvenirs

    Daniel Buren a toujours prêté une attention très particulière à l'usage de la photographie, et aux confusions ou paradoxes qu'elle peut engendrer dans le monde de l'art.

    Lorsqu'il a achevé un travail, il en réalise lui-même des photographies, qu'il appelle depuis 1967, les « photos-souvenirs », car il tient à indiquer que ces images, nécessairement fragmentaires, ne sont ni l'oeuvre, ni sa copie, ni son équivalent d'aucune manière : elles ne sont que des aide-mémoire, des outils.

    La photographie élimine en effet de manière irrémédiable de cruciales propriétés de l'oeuvre : elle adopte et impose un seul point de vue - celui choisi par le photographe -, réduit la profondeur, interdit la déambulation ; le regard du spectateur devient ainsi totalement passif et « manipulé ».

    Les photos-souvenirs ont cependant un statut essentiel, puisque les travaux in situ sont par nature éphémères et disparaissent, sauf rare exception : seules les images de l'oeuvre lui subsistent. Et la seule forme que pourrait prendre une rétrospective des travaux de Daniel Buren, au sens traditionnel du terme, serait un recueil imprimé de toutes ces photos-souvenirs.

    Pourquoi un livre ? D'abord parce qu'on ne peut pas réinstaller, en le déplaçant, un travail in situ ; mais aussi parce que ces images, au nom volontairement connoté (on pense aux photos-souvenirs de vacances, prises par l'amateur), peuvent être imprimées dans des livres, en cartes postales ou en affiches, publiées sur internet, mais, en aucun cas, ne sont exposées dans un musée ou même commercialisées. Le danger serait, en effet, de les considérer comme des oeuvres d'art, de les encadrer, de les accrocher au mur, de les vendre comme uniques « traces » artistiques de l'oeuvre, tel que l'ont fait beaucoup d'artistes aux oeuvres éphémères, dénaturant alors leurs oeuvres originelles.

    Daniel Buren refuse formellement d'attribuer cette fonction à la photographie. Pour lui, rien ne peut remplacer l'expérience visuelle et plastique de l'oeuvre d'art. La photographie, bien que nécessaire comme preuve, doit ainsi se contenter de son rôle de photo-souvenir. Elle remémore, témoigne, évoque et trahit à la fois, c'est une « image sans prétention ».

  • Les écrits

    L'écriture est une activité importante chez Daniel Buren, dont « Les Écrits, 1965-2011 », publiés une première fois en 1991 puis une seconde en 2012, témoignent de façon particulièrement évidente.

    A l'inverse de l'idée reçue que d'un côté, l'artiste fait et, de l'autre, le critique, l'historien écrivent, Daniel Buren mène les deux activités de front. Parcourir ses textes, c'est suivre l'évolution d'une oeuvre, d'une pensée, ses remises en question, ses contradictions parfois, son développement et son approfondissement au fil du temps.

    Cependant, Daniel Buren demande à son lecteur de recontextualiser les textes : ce sont des écrits d'artistes, produits à un certain moment, dans un certain contexte, ni plus, ni moins. Ensuite, il faut garder en mémoire que, contrairement à d'autres écrits d'artistes, ces réflexions sont exclusivement produites par son travail : l'impulsion vient des oeuvres, du « faire », ce ne sont pas – sauf certaines exceptions qui confirment la règle - des textes-manifestes qui auraient engendré des oeuvres par la suite. Enfin, la lecture de ces nombreux écrits ne saurait dispenser le lecteur de voir et d'expérimenter les oeuvres elles-mêmes.

    À la question « Pourquoi écrire ? », Daniel Buren a répondu précisément. Entre nécessité, urgence, volonté de « pallier les carences et la médiocrité de la critique », réflexion distante, commandes ou pur plaisir, l'écrit « permet de parler de ce dont la peinture ne peut pas parler, parce qu'elle s'appréhende au coup d'oeil, incapable de tenir un discours sur elle-même. »

    Le visuel et l'écrit : deux régimes avec leurs spécificités, l'un n'étant pas réductible à l'autre, l'un ne contredisant pas l'autre : « On peut admettre [...] que si le « dire » visuel fondamental est par essence « muet », cela n'empêche pas que l'on puisse en parler, de la même façon que l'on peut parler d'un bon repas mais que cela ne suffit pas pour se nourrir. » dit Daniel Buren.

    Des premiers tracts collectifs jusqu'aux modalités techniques des travaux, en passant par les entretiens, les notices, les lettres ouvertes et réponses aux critiques, les écrits de l'artiste ainsi réunis constituent un formidable outil d'analyse et sont une incitation permanente à faire l'expérience de l'oeuvre.



    Bilan de Monumenta 2011

    La quatrième édition de Monumenta, consacrée à Anish Kapoor, a marqué un record de fréquentation avec plus de 277 687 visiteurs. Spectaculaire et intime, Leviathan a permis à un large public d'appréhender l'art d'aujourd'hui sans préjugé. L'oeuvre s'est imposée avec évidence, bouleversant la perception de chaque visiteur et l'entraînant au plus profond de son intériorité par la grâce d'un jeu subtil et audacieux avec l'espace et la lumière.

    La fréquentation moyenne par jour a été de 6 942 visiteurs. La fréquentation de Monumenta 2011 a progressé de 85 % en comparaison de la dernière édition. Les nocturnes (quatre jours par semaine entre 19h et minuit) ont rencontré un grand succès couvrant 16% de la fréquentation totale de l'exposition.

    Les 40 médiateurs en permanence à la disposition du public dans les espaces d'exposition ont accompagné les visiteurs dans la découverte de l'oeuvre. Des ateliers scolaires spécifiques ont été organisés ainsi que des ateliers-danse. 5900 élèves ont pu être accueillis, soit une moyenne de 245 élèves par jour. De même, les ateliers de danse grand public en partenariat avec le Théâtre National de Chaillot ont connu un succès croissant. Des dispositifs de médiation adaptés aux publics handicapés, notamment des plans et livrets en braille et en gros caractères, des visites en langue des signes (LSF) et une extension spécifique du site Internet de Monumenta, pourtous.monumenta.com, ont été mis en place pour permettre l'accessibilité à tous.



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