Contact
Email
Partenariat
Annuaire gratuit Référencement
Vente en ligne
Achat tableaux peintures
Découverte
Expositions Médias Bio
Voyager
Série Afrique
Série Paysage
Frémir
Jack the Ripper
Roswell
Rire
Ali Baba
Vache folle
Techniques
Aquarelles
Encres
Mythes
Vénus
Saint georges
Séries
Restaurants
Rats
peinture

Nancy Spero

Centre Pompidou, Paris

Exposition du 13/10 2010 - 10/01 2011


Nancy Spero
"Female Bomb", 1966 © Collection of Barbara Lee, Cambridge, Massachusetts, United States

Le Centre Pompidou organise, pour la première fois en France, une rétrospective consacrée à l’oeuvre de Nancy Spero, en hommage à l’artiste américaine disparue l’année dernière à l’âge de 83 ans.

L’exposition, qui réunit une soixantaine de dessins, donne à voir, de façon chronologique, le travail d’une artiste engagée. Nancy Spero a créé, selon le modèle féminin qu’elle défendait, une femme protagoniste et moteur de l’histoire.

En 1966, Nancy Spero délaisse définitivement la peinture et la toile qu’elle considère trop "masculines", et renouvelle la pratique de l’art graphique par des procédés et des matériaux modestes : elle photocopie, élargit, modifie des images, qu’elle retravaille et redessine au stylo, puis découpe.

Les figures ainsi obtenues sont souvent intégrées dans de longues bandes de papier verticales ou horizontales collées bout à bout à l’instar des papyrus égyptiens ou des rouleaux chinois. Empreint de violence, non dénué d’humour, l’art de Nancy Spero, animé par des cris de colère et des prises de position radicales, prend une forme résolument figurative, aux confins du dessin et de la peinture.



Extrait du texte du catalogue par Elisabeth Lebovici

NANCY SPERO : UNE LANGUE CLANDESTINE POUR TOUTES ET TOUS

Son engagement féministe, Nancy Spero ne l’a jamais caché ni renié. L’artiste s’en est entretenue à de nombreuses reprises. Elle l’a mis en pratique à la fois dans son travail d’artiste, dans la mise en oeuvre d’une subjectivité artistique féminine, et dans un activisme militant, exercé en commun avec d’autres femmes dans le New York du début des années 1970. Depuis cette époque, les femmes et le féminisme ont été le prisme à travers lequel Spero a envisagé sa pratique. Cela n’est pas allé — et ne va jamais — sans contradictions, quand il s’agit, par exemple, de concilier la volonté de définir collectivement le travail de l’art, de lutter contre l’élitisme, et l’insatisfaction éprouvée à vouloir cantonner son activité artistique à un produit défait de toute marque personnelle ; ces questions sont encore plus compliquées pour une femme, à qui l’ordre social enjoint de se situer entre « création et procréation » — comme Nancy Spero a elle-même titré, en 1992, l’une de ses interventions.

La colère. Telle est l’émotion qui, en 1964, attend Nancy Spero à son retour en Amérique. Elle vient de quitter la France, en compagnie de son époux, Leon Golub, et de leurs trois garçons (le dernier, Paul, est né à Paris en 1961), et la guerre du Vietnam s’impose à elle de plein fouet. En France, Spero et Golub avaient certainement pu constater ce que Laurence Bertrand Dorléac appelle l’« inflation des signes de violence », née de l’écart entre des systèmes sociaux européens de plus en plus rationnels et productifs, une vision de l’art arrimée au quai de l’archaïque, et l’événement historique de la décolonisation et des guerres d’indépendance. Celle, par exemple, qui s’est déroulée en Algérie, avec son cortège parisien de manifestes et de manifestations, dénonçant la torture et l’escalade de la répression. Mais, comme le dira plus tard Nancy Spero, tant qu’elle était à Paris, la prise de conscience s’opérait avec une certaine distance, due à son point de vue d’« expatriée ». À New York, où Spero, Golub et leurs enfants s’installent dans le contexte d’une menace de guerre atomique, dont le Vietnam constitue, en quelque sorte, le laboratoire, la distance s’abolit. « Quand nous sommes rentrés de Paris, j’ai vraiment réagi à la guerre du Vietnam, et à la couverture médiatique de l’événement. Mon état de rage était tel que j’ai tout de suite voulu faire quelque chose. Revenant d’Europe, j’étais choquée que notre pays — qui avait eu cette formidable idée de la démocratie — commette cette chose épouvantable au Vietnam. Je voulais faire des images qui expriment l’obscénité de la guerre. » La colère de Spero trouve ainsi une expression plastique dans la Série de la guerre (War Series). Elle y abandonne à la fois le tableau, le châssis, la toile et leurs possibilités élégiaques. Définitivement. Elle travaille exclusivement le papier avec l’encre et la gouache, transférant d’une feuille résistante à l’autre, plus fragile et fripée, les traces, les traits, les coups, les morsures, les griffes d’une déploration apocalyptique.

Nancy Spero
"Relay", 2000 © Estate of Nancy Spero. Courtesy of Barbara Gross Galerie, Munich

Exposant son travail dans des collectifs d’urgence et des expositions chargées de collecter des fonds, Nancy Spero a d’abord rejoint le camp de la résistance à la guerre du Vietnam, « un catalyseur pour les débats amers concernant le racisme, le sexisme, la corruption politique », dit-elle. Dans un monde artistique, celui des années 1960, où quelques-uns bénéficiaient du « triomphe de la peinture américaine » en même temps que de celui du capitalisme dans le monde occidental, la politisation des autres a pris la forme d’une rébellion contre l’art-marchandise autant que contre l’impérialisme à l’oeuvre dans la guerre menée par les États-Unis. Ainsi, l’Art Worker’s Coalition (AWC) : ce groupe informel d’artistes, qui comprend Carl Andre, Barnett Newman, Hans Haacke ou Dan Graham — mais aussi Lee Lozano ou Faith Ringold —, des cinéastes, tels Len Lye, Hollis Frampton, Ken Jacobs ou des critiques comme John Perrault, Lucy Lippard ou Gregory Battcock est devenu actif en 1969, après que le sculpteur Takis eut enlevé l’une de ses sculptures du musée d’Art moderne de New York. Le débat s’était vite élargi à la « relation du musée aux artistes et à la société » et environ trois cents personnes s’étaient réunies pour débattre publiquement des droits des artistes, des politiques des musées, de la guerre au Vietnam, de l’autonomie de l’art... Soit treize réclamations, allant du très spécifique à la révolution totale.

Le 15 octobre 1969, AWC avait obtenu la fermeture du MoMA, du Whitney Museum, du Jewish Museum et de nombreuses galeries privées, unis pour demander un moratoire afin de faire cesser la guerre.

Cependant les femmes se trouvent tout de suite confrontées à l’expérience renouvelée de leur absence dans des débats où les hommes détiennent un quasi-monopole de la parole — et cela a duré : Lucy Lippard cite, par exemple, un numéro spécial de Studio International, paru en 1977, consacré à l’« art à but social », ignorant complètement le féminisme. De la même façon qu’en France au moment de mai 1968 (où, raconte Spero, les femmes en ont eu marre d’apporter le café aux hommes sur les barricades — ce qu’elle reprend plus tard en parlant de New York), une conscience féministe a pris corps aux États-Unis dès qu’il fut constaté que les mouvements de libération et pour les droits civiques ne « libéraient » pas forcément les femmes. C’est donc par nécessité de pouvoir s’exprimer que sont créés, dès la fin des années 1960, des collectifs de femmes qui se réunissent entre elles, séparément des hommes. Aux États-Unis, cette nouvelle vague de féminisme trouve ses sources non seulement dans Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir (qui fut traduit en 1953), mais également dans l’ouvrage de Betty Friedan, The Feminine Mystique, publié en 1963, et dans la fondation de NOW (National Organisation for Women), en 1966, après que l’ajout de la catégorie du sexe avait été entériné dans le code civil américain (le « Civil Rights Act ») de 1964. À partir de 1968, les femmes ont pris la rue. Witch, puis le groupe des Redstockings, en 1969, ont propulsé le féminisme dans l’espace public, en recourant à ce qu’on appelle encore des « zaps » — des interventions rapides, mobiles. Ces performances urbaines deviendront des modèles pour l’activisme ultérieur des Guerrilla Girls ou de la Queer Nation, mais également pour les mouvements de lutte contre le sida, Act Up par exemple, qui dramatisent leurs actions et font surgir toutes sortes de questions concernant le genre, le sexe ou la sexualité, lesquelles participent alors de la chose publique.

Cette technique du « zap », de l’action publique, est aussi ce qui rend lisible la War Series de Spero, dont la dramaturgie confond la violence sexuelle et celle des armes, associant délibérément sexualité et machines à tuer. Cela n’est pas une invention de l’artiste : le vocabulaire guerrier, jusques et y compris pendant la dernière guerre en Irak, use volontiers de figures sexuelles pour formuler un discours de haine, fonctionnant également comme une conjuration de pulsions interdites — dont « to kill for mom » (« tuer pour maman ») n’est pas la moindre. Comme l’indique la théoricienne Mignon Nixon, Nancy Spero « pousse » cette utilisation du sexe dans la guerre pour dénoncer l’obscénité de la guerre. «“ Comment faisons-nous, demande [la psychanalyste] Juliet Mitchell, pour rendre compte de la sexualité endémique de la guerre — car la violence sexuelle semble automatiquement accompagner la violence guerrière ? Comment a-t-il été possible d’ignorer la relation intime de la sexualité endémique et de la guerre ? ” La War Series pose précisément cette question. Des érections de bande dessinée font exploser des étalages extatiques de sadisme sexuel. Une bombe de sperme éjacule un nuage toxique. Des bombes femelles font pleuvoir du sang. Des bombes tabassent des bébés. Assemblant le sexe et la violence, l’imagerie de Spero rend les deux termes inséparables, indistincts, coextensifs. »

L’activisme féminin, « pré-féministe », de Nancy Spero a concrètement commencé en 1967, lorsque deux de ses amies new-yorkaises, les danseuses Sarah Petlin et Marian Hunter, lui proposent de s’inviter à une action de groupe lors d’une fête donnée pour le critique Max Kozloff ; elles savent qu’une strip-teaseuse devra sauter à travers un gâteau de carton, pendant que des films pornographiques seront projetés à destination des invités. Alors que les lumières sont éteintes pendant la projection, préservant l’intimité des participants, elles leur balancent des gâteaux crémeux et les « entartent ».



arts plastiques contemporains
homme invisible
Galerie d'art contemporain
Peintures, sculptures et objets d'art