Contact
Email
Partenariat
Annuaire gratuit Référencement
Vente en ligne
Achat tableaux peintures
Découverte
Expositions Médias Bio
Voyager
Série Afrique
Série Paysage
Frémir
Jack the Ripper
Roswell
Rire
Ali Baba
Vache folle
Techniques
Aquarelles
Encres
Mythes
Vénus
Saint georges
Séries
Restaurants
Rats
peinture

Le Louvre invite Patrice Chéreau

Musée du Louvre, Paris

Du 2 novembre 2010 au 31 janvier 2011


"Je ne sais pas, moi, vivre ou fabriquer un objet, spectacle, film autrement qu’à la première personne. C’est sûr. Je suis absolument partout, dans tous les personnages, démultipliés, et ceux qui ne sont pas moi ce sont des êtres que j’ai connus. Je ramène tout à moi et c’est ce qui me donne l’énergie de travailler. Je n’en connais pas une autre. Et aussi le plaisir de m’adresser aux autres, car j’ai toujours fait un théâtre et un cinéma où je ne me sépare pas du public : je veux lui dire ce qui, pour moi, compte le plus. Je pense qu’on existe toujours, contre ou avec, par rapport aux gens à qui l’on parle. Pour y arriver, il s’agit de trouver en soi cette nécessité qui fasse que les gens, à leur tour vont la trouver aussi." Patrice Chéreau, J’y arriverai un jour, Actes Sud, 2009

Depuis son plus jeune âge, Patrice Chéreau entretient une relation privilégiée avec le Louvre. Son père était peintre, sa mère dessinatrice et il s’est intéressé très tôt aux beaux-arts. Le musée du Louvre a joué un rôle important dans la construction de sa sensibilité esthétique. Créateur en prise directe avec le présent, il est en même temps le dépositaire attentif et inspiré de notre héritage artistique. Après les nombreux triomphes qu’on lui connaît au théâtre, à l’opéra et au cinéma, Patrice Chéreau revient aujourd’hui au Louvre. Invité à poser son regard sur le musée et ses collections, il propose un thème que toute son oeuvre illustre : "les visages et les corps". Ici, ces visages et ces corps sont ceux des oeuvres qu’il a choisies pour son exposition installée salle Restout. Ceux aussi des acteurs des spectacles qu’il va créer dans d’autres salles du musée. Ceux enfin des chorégraphes, musiciens, plasticiens, cinéastes, écrivains qu’il réunit autour de lui. Ceux bien sûr, des visiteurs et des spectateurs qui viendront partager ses émotions, son approche unique de l’art et de la vie.

En demandant à Patrice Chéreau de succéder à Pierre Boulez et Umberto Eco pour être le "grand invité" du Louvre, je savais que son engagement artistique serait "total", comme on parle d’ "oeuvre d’art totale". J’espérais également que les salles du Louvre lui inspirent un désir de théâtre. La magie des lieux a opéré grâce à la rencontre qu’il faisait, au même moment, avec le texte du Norvégien Jon Fosse : Rêve d’automne. C’est dans le cadre d’un partenariat exceptionnel entre le Louvre et le Théâtre de la Ville que sera créé ce spectacle. Dévoilée au début du mois de novembre au Louvre, dans le salon Denon, la pièce de Jon Fosse est produite par le Théâtre de la Ville, qui la présentera ensuite pendant deux mois dans un décor de Richard Peduzzi. Rêve d’Automne constitue l’élément central d’une programmation qui réunit des artistes et des projets rares. Patrice Chéreau l’a conçue comme un festival idéal, comme une oeuvre unique et protéiforme.

Henri Loyrette - président-directeur du musée du Louvre



Les visages et les corps

On a souvent raconté combien Patrice Chéreau avait été influencé dans sa jeunesse par la peinture, celle que pratiquait ses parents et celle que son père lui montrait, notamment dans les salles du Louvre. Aujourd’hui, pourtant, le metteur en scène entretient un rapport plus ambigu avec la peinture, fait d’admiration et de méfiance, d’attraction et de rejet, peut-être à cause des "images" que le public a cru voir dans ses pièces, dans ses opéras ou dans ses films, "images" qu’il ne renie pas mais qui ne sont pour lui qu’instants figés là où le mouvement devrait l’emporter.

Concevoir une exposition de peinture ne pouvait donc être pour lui ni la mise en place éphémère d’un musée idéal et personnel (les tableaux qui l’auraient marqué ou, pire, influencé), ni une quelconque démonstration sur l’histoire de l’art. Que faire, alors ? Comme dans son travail de metteur en scène, Patrice Chéreau est parti sans idée préconçue, sans scénario bâti à l’avance, mais les yeux grand ouverts dans ces salles du musée qu’il a parcourues sans relâche. D’une visite à l’autre, des multiples combinaisons essayées loin du musée avec des images de papier, le metteur en scène a peut-être fini par se conduire avec les tableaux comme il le fait avec les acteurs au cours des répétitions : les guider, mais aussi se laisser guider par eux. Un visage en appelait-il un autre ou réclamait-il un corps, celui d’une femme au bain ou d’un Christ mort ? Tel chef-d’oeuvre de la Renaissance se suffisait-il à lui-même ou imposait-il d’autres couleurs, celles du XXe siècle ou de la photographie... Ces recherches, Patrice Chéreau les a menées au plus près de la peinture, mais aussi en cohérence avec tout ce qu’il préparait ailleurs dans le musée, sans forcer les échos mais en les écoutant, sans doute.

Une quarantaine d’oeuvres, au total, issues des collections du musée du Louvre, du musée national d’art moderne-Centre Georges-Pompidou, du musée d’Orsay, du musée de l’Orangerie, du musée des Beaux-Arts de Tours et du musée Fabre à Montpellier. Des chefs-d’oeuvre comme L’Homme au gant de Titien, le Christ mort de Philippe de Champaigne, L’Origine du monde de Courbet, le Portrait de Michel Leiris de Francis Bacon voisinent avec des oeuvres moins connues et des photographies de l’artiste américaine Nan Goldin.

Dans chaque oeuvre "qui lui parle", c’est une tranche d’humanité que Patrice Chéreau découvre, une archéologie du sentiment qu’il met au jour. Derrière l’oeuvre, derrière le sujet représenté, banal apparemment parce que le visiteur ou l’historien s’y sont trop vite habitués, c’est l’homme, la vie qu’il traque, dans sa beauté et sa faiblesse. Il ne s’agit pas d’ériger sur les ruines du Musée (avec un M majuscule) ainsi démantelé, les contingences d’un musée imaginaire, formel et intellectuel, de substituer un ordre à une autre, mais, avec "les visages et les corps" – et il insiste pour l’article défini –, de ranimer la part de vie enfermée, figée pour l’éternité dans l’oeuvre d’art muséifiée.

Il s’établit un dialogue des oeuvres, qui se découvrent l’une à l’autre dans des correspondances poétiques, dont le metteur-en-scène est le révélateur.

Au final, il s’élève de tous ces visages et de ces corps, rassemblés comme dans un grand opéra, un long chant mélancolique et plaintif, cruel quelquefois, avec ses moments de grâce et de désespoir, une quête de la beauté, à tout instant menacée par le temps, par le travail, par le désir, par le regard du spectateur. Que reste-t-il, au terme de ce tri ? La beauté éternelle et immuable, celle qui regarde du côté de l’idéal, a disparu : peu de corps d’hommes exaltés dans la force de l’âge, ou alors seulement soumis à une contrainte, des Christ morts, des dépositions, des saints anémiés ou des philosophes au bord du suicide… quand ils ne sont pas disséqués, débités en morceaux comme dans ces Fragments anatomiques de Géricault.

Car, dans ce monde imaginaire que reconstitue Patrice Chéreau, comme un reflet du nôtre, les hommes et les femmes luttent pour avoir, ne serait-ce qu’un instant encore, leur part de beauté.

Sébastien Allard (extrait du livre : Patrice Chéreau, Les visages et les corps, musée du Louvre éditions - Flammarion, 2010)



arts plastiques contemporains
homme invisible
Galerie d'art contemporain
Peintures, sculptures et objets d'art