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Mauvais genre

Galerie Sollertis, Toulouse

Exposition du 26 mai au 2 juillet 2011




Article en relation : exposition Mauvais genre, Galerie Sollertis, Toulouse, 2011.

Au milieu des années cinquante, dans un texte intitulé Le plastique et inclus dans ses célèbres Mythologies, Roland Barthes écrivait à propos de ce matériau qu’il est « davantage qu’une substance ». Le plastique incarne en effet « l’idée même de (…) la transformation infinie ». Et un peu plus loin : « la hiérarchie des substances est abolie, une seule les remplace toutes : le monde entier peut être plastifié. » L’enjeu de cette plastification générale était celui, théâtral, du vrai et du faux. Aujourd’hui, un demi-siècle plus tard, on pourrait presque dire de l’image ce que Barthes disait jadis du plastique : la hiérarchie du réel est abolie. Une seule réalité remplace tous les aspects du réel : le monde entier est mis en images. L’enjeu de cette nouvelle métamorphose est le primat, post-moderne, de l’image sur le réel.

Le carton, tel que l’utilise Sylvie Réno, participe d’une entreprise aussi radicale : la « cartonisation » du monde, ou du moins d’un certain type d’objets du monde. Une pelleteuse pour commencer (1986), des bateaux à Glasgow (1991), des sous-marins et des tanks (1994), des armes aux Etats- Unis (1997), encore des armes à New York (2000), une chambre des coffres à Paris (2002), des Soldes sous blister (2002) incluant un lot de huit cutters, un tire-bouchon, un limonadier, trois brosses à dents, une prise multiple, un pistolet à colle ; une Petite nature morte (2002) avec chaise, table, briquet, cendrier, paquet de cigarettes, téléphone portable, tasse de café et cuiller. Bref, une production d’objets en carton, de dimensions variables, mais qui se cale très vite – après Glasgow – dans la reproduction à l’échelle 1 d’objet ou, plus souvent, de groupe d’objets voire d’installations qui oscillent entre deux mondes : d’abord le monde privé de l’artiste – des pièces qu’on pourrait réunir dans la catégorie « Sylvie Réno dans tous ses états » - et puis le monde dit « extérieur ». Flingues, tanks, bateaux de guerre, Kalachnikovs et autres engins de mort, ici réunis sous le dénominateur commun du carton, en perdent tout caractère menaçant pour devenir aussi fragiles et néanmoins « présents » que ces poutres dévorées par les termites qui, comme chacun sait, en détruisent tout le volume intérieur pour ne laisser intacte qu’une infime épaisseur qui fait illusion. Ce sont des leurres.

Tous ces symboles du pouvoir viril sont donc reproduits par Sylvie Réno dans cette fragile et éphémère matière qu’est le carton. Ce sont des flingues en plastiques, qui participeraient à la plastification générale du monde dont parlait Barthes. Ce ne sont pas non plus des ersatz, des substituts, des imitations ni des faux, ni des produits « démarqués », mais des objets sans poids ou presque, dont le processus de fabrication implique que seule compte et existe la surface, une surface méticuleusement fidèle à l’original – comme dans la photographie -, une surface d’où la couleur a disparu, remplacée par un subtil dégradé de bruns – comme dans la photographie en noir et blanc. Voici donc un travail en volume qui supprime le volume, ne conserve que des effets de surface modifiés, et qui ainsi « dévirilise » l’objet. Mais la kalachnikov poids plume de S. Réno reste malgré tout droite et rigide ; creuse, elle bande encore. (…)

Les fantômes d’objets créées par Réno sont des ombres de ready-made : ce qu’il en reste sur la pellicule cartonnée quand ils ont disparu, des tirages décolorés. Des fantômes, des ectoplasmes, des spectres, des ready-made spirites … En quelques sorte le « ça-a-été » de la sculpture.

Et puis, ce qui se produit dans cette « cartonisation », c’est l’effacement systématique des sigles, logos, marques et autres éléments linguistiques. Au commencement est, non pas le Verbe, mais sa disparition lors d’une opération unificatrice, égalitaire – on serait même tenté de dire : démocratique – au royaume des objets de S. Réno. Et si refaire le monde est le désir ultime de tout artiste, alors c’est l’humilité d’un emballage vide, d’une marchandise réduite à la substance dévalorisée de son emballage jetable, qui préside à cette transmutation : loin de transformer le plomb en or comme l’alchimiste d’antan, ou le marbre en plastique imitation marbre comme l’industriel des années cinquante, S. Réno nivelle toute différence de valeur des objets pour nous en proposer ses drôles d’images où, comme en photographie, une pépite d’or (en carton) vaut un morceau de plomb (en carton).

Brice Matthieussent

Sylvie Réno, Sextant et plus et Monografik éditions, 2009



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