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Daniel Buren & Alberto Giacometti

Oeuvres Contemporaines 1964 -1966

Galerie Kamel Mennour, Paris

Exposition du 29 avril – 26 juin 2010




Faire se rencontrer l’oeuvre de deux artistes ne laisse parfois pas beaucoup d’alternative entre créer un dialogue (chercher l’affinité, la complémentarité ou la complicité des oeuvres entre elles) et jouer le repoussoir (exhausser les différences). A fortiori quand l’un des deux s’est absenté.

Ainsi l’exposition de Daniel Buren et d’Alberto Giacometti à la galerie Kamel Mennour, fruit d’une collaboration exceptionnelle entre l’artiste, la galerie et la Fondation Alberto et Annette Giacometti, pourrait donner lieu à d’infinies comparaisons et oppositions. Une perspective convergente soulignerait que ces deux artistes sont reconnaissables entre tous par la marque de fabrique qu’ils ont inventée: la rayure pour Buren et les silhouettes élongées, les portraits au seuil de la disparition dans les toiles de Giacometti. Dans une perspective contraire, on opposera un Buren affirmant dans sa Mise en garde (1969) que «la peinture ne devrait plus être la vision/illusion quelconque, même mentale, d’un phénomène (nature, subconscient, géométrie), mais visualité de la peinture elle-même» et un Giacometti obsédé par le surgissement d’une vérité par-delà la figure peinte ou sculptée. L’inventaire des convergences et des divergences pourrait être poursuivi et serait inutile, sauf à niveler l’entreprise de chacun des artistes.

L’intérêt de cette rencontre réside donc ailleurs : c’est la courte fenêtre synchronique (1964-1966) dans laquelle les oeuvres ont été sélectionnées qui en donne le sésame. Quelle est l’actualité des deux artistes dans cet interstice temporel? Pour Buren, ces deux années correspondent à l’apparition du motif de la rayure et à une intense période d’expérimentations sur ce thème. Tandis que les premières rayures, dessinées au scotch, étaient peintes et servaient de fond à des formes organiques qui les recouvraient parfois, elles sont remplacées dès la fin 1965, après le «miracle» du Marché Saint-Pierre, par un tissu industriel déjà rayé. Tissées ou sérigraphiées, elles conditionnent différemment l’intervention picturale de l’artiste sur ces toiles. Buren n’a pas en effet renoncé à peindre et cherche à éviter l’assimilation de son projet avec le ready-made.

Si ces années sont celles de la mise en place du système Buren, aboutissant en 1967 à la définition de son «outil visuel», pour Giacometti en revanche elles correspondent à ce qu’il est désormais convenu d’appeler «l’oeuvre ultime». Il meurt en janvier 1966 au faîte de sa reconnaissance internationale: grand prix de sculpture de la Biennale de Venise en 1962; ouverture de trois rétrospectives à Londres (Tate Gallery), New York (MOMA) et Humlebaek (Louisiana Museum au Danemark) en 1965, année où il reçoit le grand prix national des Arts décerné par le ministère français des Affaires Culturelles. Ses dernières oeuvres sculptées sont principalement des bustes en bronze, en particulier celui d’Annette sa femme ou encore d’Elie Lotar cinéaste. Ils sont saisissants par la disparition imminente du visage, comme rogné ou rongé, et par une aspiration au mouvement capturé et enkysté dans leur tronc-socle.

Il ne s’agit pas d’avancer que ces deux personnalités activent seules ce changement mais de voir comment leurs oeuvres, sur ces deux années, pourraient être emblématiques du passage de l’art moderne à l’art contemporain et d’une nouvelle géopolitique de l’art. En effet, en toile de fond de cette rencontre Buren-Giacometti dans les années 64-65, il y a L’École de Paris, à l’égard de laquelle les deux artistes ont des positions radicalement différentes. Lobby et label efficace pour la promotion de l’oeuvre de Giacometti, cette «vitrine» parisienne l’entraîna aussi dans sa chute après les assauts systématiques d’une certaine scène américaine contre elle à partir des années 1950. L’obtention du grand prix de peinture de Venise en 1964 par Robert Rauschenberg sonna en effet le glas de L’École de Paris. Quant à Buren, avant même la création de l’association avec Mosset, Parmentier et Toroni en 1967 qui se constitua pour ainsi dire contre L’École de Paris, il critiquait déjà son académisme et son jacobinisme. Il fut par ailleurs parmi les premiers artistes français à pénétrer la scène américaine, même si la radicalité de son oeuvre ne fut pas toujours bien accueillie.

Quant au changement de paradigme esthétique, Giacometti, en prenant comme point de départ la réalité ou son empreinte mémorielle et sensorielle, réinvente le concept de ressemblance, anticipant ce que Gilles Deleuze décrira comme une «logique de la sensation» à propos de la peinture de Bacon. Si l’oeuvre du sculpteur commence avec la main opiniâtre et infatigable qui produit la pièce unique, elle existe néanmoins dans le monde par l’intermédiaire de séries, grâce aux moules. Il s’agit alors de concilier la reproductibilité technique de l’oeuvre et son aura. L’expressivité sinon la théâtralité de certains des bustes présents dans l’exposition s’enracine peut-être dans cette problématique. Ainsi, Giacometti fait la transition avec un monde qui aura d’autres enjeux que ceux de l’aura, signalant la fin de la période moderne alors que Buren se positionne très rapidement comme un artiste de la contemporanéité. Il adopte une attitude critique vis-à-vis de la peinture, de l’art et de l’institution. Dès 1967, il est l’un des premiers artistes à intervenir dans la rue avec des «affichages sauvages», utilisant son outil visuel en débordant le plus souvent possible du cadre de l’exposition et du musée.

Au-delà de l’instantané d’un chassé-croisé d’oeuvres emblématiques, l’exposition Daniel Buren & Alberto Giacometti, oeuvres contemporaines 1964-1966 propose une expérience simultanée des oeuvres et de leur contexte artistique, sollicitant à la fois une proximité avec elles et une mise en perspective pour ainsi dire culturelle de leur rencontre. Une histoire de l’art à l’échelle macro, où l’on repérerait les simultanéités, les occurrences et les récurrences, les points de passage, reste encore à écrire. Que donnerait à voir et à penser, par exemple, la présentation conjointe des papiers découpés de Matisse (1949) et des premiers drippings de Pollock (1946) ? Ce dialogue entre les oeuvres si différentes et si essentielles de Daniel Buren et d’Alberto Giacometti pose également la question de leur actualité aujourd’hui, de la pertinence et de l’impertinence de l’une et de l’autre et l’une avec l’autre.

Marie-Cécile Burnichon, avril 2010



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