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L’Invention de l’oeuvre, Rodin et les ambassadeurs

Musée Rodin, Paris

Exposition du 6 mai au 4 septembre 2011




"La robe de chambre de Balzac" d’Aline Magnien, commissaire de l’exposition

Article de Référence : exposition "L’Invention de l’oeuvre, Rodin et les ambassadeurs", Musée Rodin, Paris, 2011.

Il ne suffit pas, pour qu’il y ait oeuvre, que l’artiste ait travaillé ; il faut une forme de désignation et des instances instauratrices -internes ou externes- qui contribuent à la fabriquer. Il faut à la fois une revendication de l’artiste lui-même, et une reconnaissance extérieure, parfois difficile à obtenir de l’un et de l’autre. Sur son lit de mort, Virgile avait demandé que l’on détruisît l’Enéïde, tandis que Rodin fut parfois seul à considérer son Balzac comme une oeuvre accomplie, voire un chef d’oeuvre.

Rien n'est cependant définitif : il peut y avoir glissement d’un champ à un autre, du statut d’artefact, d’objet provisoire à celui d’oeuvre, voire de chef d’oeuvre. Ce dernier, au contraire, peut apparaître déclassé et galvaudé mais réinvesti par d’autres pratiques. C’est ainsi que le Baiser devient un témoin devant lequel on échange des promesses de mariage, et que le Penseur, se transforme en symbole universel ; c’est aussi la mise en place d’un système des objets qui duplique et réplique, dégrade à certains égards mais qui peut aussi donner naissance à une nouvelle oeuvre.

Au cours de son travail de conception de la statue de Balzac dont il avait reçu la commande en 1891 et qu’il livra en 1898, Rodin décida d’habiller l’écrivain d’une robe de chambre. Tenue favorite des écrivains, des hommes de cabinet, et de Balzac en particulier, artiste nocturne s’il en fût, le manteau d’intérieur est aussi le signe d’une intense activité intellectuelle et des impérieux besoins du génie, qui jettent l’artiste hors de son lit.

Rodin fit donc réaliser six exemplaires du Balzac en athlète puis fit jeter sur ces silhouettes des pièces de tissu ; c’est ainsi qu’à la même époque est réalisé le Torse d’airain drapé (1895).

Très souvent mentionnée, la Robe de chambre l’est de façon fortuite, ou comme un des éléments d’un processus de fabrication. En 1952, Cécile Goldsheider dans un long article étudiait la genèse du Balzac et publiait quelques photographies des drapés et de la Robe de chambre, sans pour autant y voir autre chose qu’un artefact d’atelier.

En 1963, un article d’Art News par P. M. Grand s’ouvrait sur la Robe de chambre -mise en relation avec l’oeuvre définitive- et se fermait sur l’idée, appuyée sur Rilke, que l’art et le génie propres de Rodin résidait dans sa capacité de notation et non dans les réalisations définitives. La première notice à lui être vraiment consacrée date de 1967. En 1998, lors de la grande exposition consacrée au Balzac, le rapport des restauratrices s’attachait surtout à en comprendre le mode de réalisation. En définitive, aux tissus drapés, est préférée une vraie robe de chambre, installée sur le modèle nu du Balzac en athlète, enduite de plâtre, puis moulée. C’est ce moulage que nous conservons, lequel ne semble pas avoir eu d’utilité pratique, sinon de conserver une coquille vide, la trace d’un processus de travail. C’est sans doute à la suite de cette exposition de 1998 que la Robe de chambre sortit des réserves pour s’installer sur la grande plate-forme de bois qui forme le coeur du musée de Meudon. Y sont présentés, selon un choix déjà ancien, les études préparatoires et les travaux d’atelier de Rodin.

En 2001, la Robe de chambre figure dans l’exposition consacrée au moulage sur nature, au musée d’Orsay, plus à titre d’exemple d’un procédé et d’un effet, l’empreinte du tissu, qu’en tant qu’oeuvre à proprement parler. Mais les textes qui accompagnent l’exposition, en particulier sous la plume de G. Didi-Huberman, s’ils mettent surtout l’accent sur les aspects techniques, soulignent aussi le « pouvoir de hantise » de ce vide ; la Robe de chambre est à la fois un positif et un creux où circulent les fantômes.



En 2010, la Robe de chambre fait l’objet d’une demande particulière pour l’exposition inaugurale du Centre Pompidou Metz, Chef d’oeuvre ?. Elle n’y apparaît plus comme une étape préparatoire de la statue de Balzac, un objet de curiosité technique, mais comme une oeuvre à part entière voire, comme l’indique le titre de l’exposition, un « chef d’oeuvre ».

Que s’était-il donc passé pour que cela soit rendu possible ? De quoi donc cette oeuvre est-elle devenue le symbole ? On pourrait dire que Rodin y souligne plus encore que dans ses figures la dissolution de la forme humaine, puisque le corps tout entier a disparu et ne subsiste qu’à l’état de trace, dont le seul indice est le pied grossi par les couches de plâtre. La confrontation avec des oeuvres de M. Broodthaers ou de J. Beuys manifestent bien ce que l’art moderne et contemporain ont pu faire de cette idée du fantôme, de l’empreinte, dont le moulage lui-même est, techniquement, la plus pure des traductions, et dont la sculpture contemporaine a fait son miel.

Sans la photographie, sans le sens aigu qu’elle a contribué à développer en nous de l’effacement, de cette poétique « disparationniste » que souligne Jean-Louis Déotte, et dans une autre perspective, Jean-Christophe Bailly, serions-nous capables de voir la Robe de chambre ? Comme le notait A. Danto, « on ne peut voir quelque chose comme une oeuvre d’art que dans l’atmosphère d’une théorie artistique et d’un savoir concernant l’histoire de l’art. L’art dans son existence même, dépend toujours d’une théorie ; sans une théorie de l’art, une tache de peinture noire est simplement une tache de peinture noire et rien de plus ».

Dans l’appréhension de l’oeuvre de Rodin, que l’on ne peut séparer du mouvement même de la pensée et de l’art du XXe siècle, se sont vus privilégier au cours du temps, les morceaux, les fragments, les essais au détriment parfois des oeuvres dites achevées. Objet de culte avant sa mort, modèle pour les jeunes artistes ou repoussoir, Rodin connaît une éclipse jusque dans l’après-guerre. Léo Steinberg a résumé l’évolution de la fortune critique de Rodin en situant son retour dans les années 1950 et écrit : «la forme chez Rodin devient le symbole d’une énergie plus intensément matérielle, plus indestructible et plus universelle que la puissance des muscles humains. Et c’est par là, me semble-t-il, que Rodin se rattache à la vision contemporaine ». Comme il le notait également : « Ce qui est donné à voir, ce n’est plus la ressemblance avec des corps humains, mais le processus de leur transformation en art.»

Si dans le cas de l'Age d'airain, la qualité du modelé a permis l’accusation de surmoulage, le Balzac est, quant à lui, comparé à un roc, à une structure naturelle née des puissantes forces géologiques auxquelles on aime plus ou moins consciemment comparer la créativité artistique. Le lien établi entre Rodin et la découverte des arts primitifs, au début du XXe siècle, fait ainsi se rejoindre certaines remarques concernant le Balzac, son allure préhistorique, par exemple, qui relient Rodin à ce retour du primitif qui marque la fin du XIXe siècle ou le début du XXe. Pour y revenir in fine, peut-être la Robe de chambre, dont le centre est vide, constitue-t-elle une figure particulièrement expressive de ce qui aux yeux de certains critiques contemporains constitue le plaisir esthétique : «L’expérience du plaisir est donc constituée par cette diastole et cette systole qui rejettent le spectateur du vide au plein, puis d’un plein évidé à un néant à nouveau entrevu puis rejeté.»

Si la Danaïde ou le Baiser, en revanche, suscitent le plaisir, ce n’est pas dans l’ordre du savant, mais dans celui d’un plaisir quasi oral. Plaisir gourmand et sensuel, opposé au plaisir intellectuel et savant, celui de la jouissance que l’esprit éprouve à son propre

Aline Magnien



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