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Tony Cragg

Musée du Louvre, Paris

Exposition du 28 janvier au 4 juin 2011




Tony Cragg
"I'm alive", sculpture de Tony Cragg à Wuppertal - photo Frank Vincentz

A l’occasion de la première rétrospective du sculpteur allemand Franz Xaver Messerschmidt, le musée du Louvre présente un ensemble de sculptures de l’artiste anglais Tony Cragg, artiste majeur de la scène contemporaine, dans les cours Marly et Puget. La pyramide du Louvre accueille une sculpture monumentale de l’artiste spécialement produite pour l’exposition.

Un semblable rapprochement entre l’oeuvre des deux artistes avait déjà été présenté au Belvédère à Vienne en 2008. Mais ici la confrontation de l’oeuvre de Tony Cragg avec les "têtes de caractère" de Messerschmidt concerne plus particulièrement une sculpture en bronze, Untitled, (2010) représentant sous un certain angle de vue, par ses déformations et superpositions de strates, un profil humain particulièrement expressif.

Les sept autres sculptures ont été choisies par Tony Cragg pour dialoguer avec l’espace des cours Marly et Puget. Elles sont de taille, de forme et de nature variées reflétant ainsi la diversité de sa pratique de sculpteur tant dans les matériaux (bronze, marbre, fibre de verre, bois ) les couleurs (blanc, rouge, noir), que dans les méthodes utilisées (circonvolutions autour d’un axe central, déplacement latéral des volumes en oblique et en surplomb, accumulation de fines strates, percement de la surface). Des sculptures conçues sur le même principe, mais de différentes tailles permettent ainsi d’aborder la question de l’échelle, et une sculpture en deux parties, (Runner) fait écho aux Lutteurs de Philippe Magnier (1647-1715).

Point d’orgue de l’exposition, une nouvelle sculpture sera présentée sur la colonne d’entrée sous la pyramide de Pei. Cet espace demeuré vacant depuis l’ouverture en 1989, a cependant été conçu pour accueillir une oeuvre contemporaine.

Commissaire de l’exposition : Marie-Laure Bernadac, conservateur général, chargée de mission pour l'art contemporain au Louvre.



Tony Cragg : Extension du domaine de la figure

Tout l’oeuvre de Tony Cragg, depuis ses premières accumulations d’objets de rebus jusqu’aux colonnes torsadées des dernières années est une investigation, un élargissement du territoire de la figure. Au-delà des styles et des époques, la figure, est toujours ce qui nous touche le plus car elle nous renvoie à nous-mêmes. A la fin du XIXème siècle, les artistes modernes s’aperçoivent que l’être humain ne peut être décrit sans les divers prolongements que constituent les habits, les meubles, l’espace environnant. D’où l’intérêt porté au monde industriel, aux objets fabriqués à leur intégration (allant jusqu’à la substitution), à la sculpture. D’autre part, quelque soit le procédé (étalage, entassement, superposition, agglomérat) et le matériau utilisé (plastique, bois, marbre, métal, bronze, fibre ), il s’agit toujours pour Tony Cragg de déconstruire, puis de reconstruire, afin de la déployer sous tous ses angles, une nouvelle forme, une unité reconstituée à partir de fragments. De la partie au tout et du tout aux parties. Ce credo de sculpteur, élémentaire dans son énoncé et complexe dans ses multiples applications, donne ainsi naissance à une floraison de formes diverses, alliant géométrie et organique, concept et émotion. La sculpture parle du corps, interroge le monde réel, et est faite par la main. Tony Cragg cherche à rendre compte de l’énergie interne qui donne naissance à la forme extérieure : Figure out and figure in...

Marie-Laure Bernadac (extrait du catalogue de l’exposition)





Interview de Tony Cragg par Marie-Laure Bernadac

Marie-Laure Bernadac : Est-ce la première fois que vous exposez vos sculptures parmi d’autres oeuvres dans un musée ancien ?

Tony Cragg : Au milieu de collections permanentes, oui. Je l’ai fait il y a quelques années à Vienne, au Belvedere, avec Franz Xavier Messerschmidt. Mais il s’agissait d’une exposition temporaire. Ce fut une expérience vraiment intéressante. Beaucoup de liens, de tensions inattendues. Actuellement, j’expose à Venise, à la Ca’Pesaro. Dans une des plus grandes pièces, il y a une fresque qui couvre tout un mur ; Secretions – mon travail avec les dés – et Distant cousins côtoient les Bourgeois de Calais et le Penseur de Rodin. Mais dans le cadre très formel du Louvre, où les oeuvres ont des places désormais intouchables, l’expérience va être plus radicale.

Marie-Laure Bernadac : C’est donc une expérience bien différente. Comment avez-vous choisi les oeuvres par rapport aux sculptures de jardin et aux sculptures baroques du XVIIe siècle, qui se trouvent dans les Cours Marly et Puget ? Qu’attendiez-vous d’une telle confrontation ?

Tony Cragg : A vrai dire, je ne vois pas ça comme une confrontation. Ces sculptures ont une vraie légitimité, elles sont de très grande qualité. Certes, elles sont datées mais font partie de notre vie… On pourrait les dire contemporaines, d’une certaine manière. Je ne vois pas là de conflit – sauf à appeler conflit le fait de vivre dans une culture ancienne. C’est notre lot à tous. Pour le choix des oeuvres... Revenons au point de départ. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la sculpture était figurative. On affichait son pouvoir : les commanditaires voulaient transmettre leurs valeurs, leur position sociale. Depuis la fin du XIXe, la sculpture s’est radicalement transformée : elle mène une recherche fondamentale sur le monde physique. De tout ce qui nous entoure, le corps est encore ce à quoi nous réagissons le plus fortement, ce qui nous inspire le plus. Chacune de ses parties – pouce, oreille, ou quoi que ce soit – provoque une réponse émotionnelle. Rien à voir avec les autres objets, ou même avec des paysages, une forêt, une plage, aussi enthousiasmantes que soient ces visions. Regardez une main : vous pouvez évaluer sa force, le travail qu’elle a accompli, le genre de vie de son propriétaire et son âge ; chaque contour, chaque volume, chaque couleur dresse un portrait complet. A la fin du XIXe siècle, on a compris que l’être humain n’était pas qu’un corps, qu’il avait des prolongements dans des formes matérielles comme le vêtement, le mobilier, l’architecture, les structures sociales, les objets destinés au travail et ceux qui reflètent nos valeurs. Aujourd’hui, nous avons même inventé beaucoup de substituts et d’équivalents au corps. C’est une caractéristique du XXe siècle que d’avoir produit beaucoup d’objets et d’images qui expriment le corps sans le représenter, tantôt en regardant les formes que nous prenons pour objets, tantôt comme représentations abstraites dans les films ou la peinture, et même comme corps virtuel.

Marie-Laure Bernadac : L’un des apports de la sculpture moderne a été de tenter de représenter le mouvement…

Tony Cragg : Lorsque nous regardons les sculptures dans un jardin, elles deviennent ce que nous appelons des statues. Ce mot, c’est le coup de grâce pour les sculpteurs contemporains. « Statue » vient de « statique », qui exprime la « permanence » d’un temps « figé ». Medardo Rosso, Degas ou Rodin voulaient par-dessus tout que la surface extérieure soit perçue comme le résultat d’énergies internes – physiques ou psychologiques. Rodin y est parvenu grâce à sa technique particulière de modelage, Medardo Rosso en travaillant et retravaillant la surface pour en faire une peau qu’on regarde comme la peau d’un visage. On lit dessus comme on lit sur nos propres peaux : texture, tension des muscles, nervosité, pâleur des joues, carnation, moiteur. […]

Marie-Laure Bernadac : Revenons à votre intervention au Louvre…

Tony Cragg : Oui, la confrontation… S’il y a confrontation, c’est d’une manière générale entre présent et passé : la sculpture a parcouru un long chemin depuis l’imitation figurative et statique. En un siècle, elle est devenue profondément dynamique. Elle prend de plus en plus de poids dans nos vies. […]

Marie-Laure Bernadac : La sculpture est-elle la plus à même de saisir le monde contemporain ?

Tony Cragg : Sculpter n’est pas si simple. Il y a un côté « travaux pratiques » : il faut préparer les matériaux, les outils. Donner forme aux matériaux nécessite de la place, de l’énergie. Et puis c’est généralement bruyant et poussiéreux. Cela montre que la sculpture est bien réelle. Vous travaillez grandeur nature : la masse, les volumes, les énergies, tout est bien réel. La sculpture peut avoir un véritable impact sur le monde. C’est très différent de la peinture : peindre, c’est merveilleux, mais ça revient toujours à ouvrir une fenêtre illusoire sur un monde imaginaire.

Marie-Laure Bernadac : Pourriez-vous revenir sur votre intérêt pour la surface, pour la peau de la sculpture ? Vous avez parfois utilisé des dés, des crochets, et puis récemment des trous …

Tony Cragg : Rodin et Henry Moore, par exemple, ont tous deux créé des formes, travaillé la surface pour y faire affleurer les structures internes, les énergies vitales. A l’opposé, étudiant, j’ai été fasciné par le travail de Carl Andre, totalement passif, dénué d’énergie, faisant corps avec le monde. De simples formes plates soumises à la gravité. On pouvait marcher dessus. Tout le contraire de l’effort historique pour produire un état énergétique. Et pourtant, ces sculptures minimalistes ont réussi à changer le monde.

Marie-Laure Bernadac : Vous seriez donc entre ces deux tendances ? Quel rôle accordez-vous au matériau ?

Tony Cragg : Un artiste ne peut pas revenir en arrière et travailler sur les problèmes du passé. Le Minimalisme tendait à mettre un point final à l’histoire de la sculpture. Mais la sculpture est trop importante pour s’achever avec le Minimalisme. Stacks a été une expérience importante pour moi : le matériau que j’utilisais ne se laissait pas empiler très précisément ; j’ai donc abandonné les surfaces planes et la géométrie, et j’ai utilisé une grande variété de matériaux. J’ai compris que les propriétés que l’on perçoit dans tout matériau ne sont que la conséquence de sa structure interne, microscopique, voire moléculaire. La structure de cette table est la conséquence de la structure moléculaire de la cellulose qui la constitue.

Notre regard s’arrête souvent à la surface, comme à un mur qui bloque la perception. Avec Ferryman, je voulais que le regard crève la surface : ce sont les formes internes qui créent les formes externes.

Dans d’autres travaux, j’ai donné à la surface une valeur particulière par le dessin, la perforation ou la numérotation. C’est à ça que servent les dés, par exemple. La valeur de la surface peut aussi venir de l’interaction entre les matériaux ou de leur géométrie sous-jacente. On peut étirer un cercle en trois dimensions : il devient cylindre, doigt, bras, intestin, arbre, membrane soumise à une pression interne, voire symbole universel d’énergie vitale.

Marie-Laure Bernadac : Vous pouvez nous en dire plus sur cette monumentale sculpture noire qui trône au milieu de la cour Marly ?

Tony Cragg : Manipulation est une autre façon d’utiliser la surface pour en montrer la valeur. La forme semble un peu chaotique et possède quasiment la dynamique d’un corps complet, mais c’est une sculpture que j’ai réalisée en négatif, c’est-à-dire de l’intérieur : j’ai commencé avec les particules élémentaires, puis j’ai ajouté les couches successives, jusqu’à former une membrane, un volume fermé, une cellule, un organe et enfin un corps complet, avec toutes ses articulations. La main est une forme magnifiquement articulée. C’est pour cette raison que je voulais qu’elle soit exposée. Toutes les oeuvres présentées ici sont pour moi autant de facettes de notre changement de regard sur le corps. Il n’y a pas là de conflit. Je suis incapable de dire pourquoi nous sommes perçus de telle ou telle manière, mais j’essaie de proposer des pistes…

Marie-Laure Bernadac : L’appréhension de vos sculptures suscite toujours une certaine émotion…

Tony Cragg : La préoccupation du sculpteur, c’est la matière. Pas simplement ses propriétés physiques, mais aussi ses qualités émotionnelles. Le mot « matérialiste » est mal vu, car depuis des siècles les philosophes et les théologiens nous ont répété que le matérialisme est négatif. Pourtant, la matière est quelque chose d’incroyablement compliqué et de totalement sublime. Notre intelligence est une manifestation de la matière. Nos émotions elles-mêmes sont le résultat de processus matériels. Quand je suis là et que je regarde la forêt, je ne regarde qu’une grande quantité de matière, mais je ressens aussi une forte émotion. Lorsque nous nous regardons ou que nous regardons nos proches, ce n’est que de la matière que nous voyons. La sculpture traverse continuellement la frontière entre forme matérielle et émotion. C’est ce qui fait sa grandeur.

Elle constitue désormais une recherche fondamentale sur le monde matériel, mais pas à la manière des scientifiques. Nous ne cherchons pas à établir le fonctionnement du monde ni ses fondements ; nous en cherchons la valeur. Nous donnons aux choses valeur et signification. Sans l’art, elles existent mais n’ont pas de sens. […]

Marie-Laure Bernadac : Pouvez-vous nous en dire plus sur cette nouvelle production, particulièrement imposante, que vous présentez sous la pyramide ?

Tony Cragg : C’est un endroit magnifique pour poser une sculpture, mais cela m’intimide un peu. Aujourd’hui, plus besoin de piédestal pour asseoir le prestige de l’oeuvre… Cela dit, le socle peut quand même répondre à bon nombre de problèmes pratiques. Pour moi, c’est un vieux débat, vraiment très académique. Mais en y regardant de plus près, on comprend que c’est parfois le musée lui-même qui joue désormais le rôle de piédestal : il préserve l’oeuvre, lui confère un prestige, la protège, la présente de manière optimale. La pyramide est une icône culturelle. Ce n’est pas le genre d’endroit où vous allez exposer sans savoir avec certitude ce que vous voulez y faire. Dans les années 1980, j’ai réalisé des installations mais je n’aime plus ce type de mise en contexte. Pour moi, exposer sous la pyramide est l’occasion de poursuivre en plus grand, en plus complet, ce que je faisais déjà dans mon atelier.

Marie-Laure Bernadac : C’est la première fois que vous utilisez une forme si ronde, si ample.

Tony Cragg : Ce projet a émané assez spontanément d’une sculpture sur bois que j’avais faite pour la ville de Coevorden, en Hollande. Avec ses 2 mètres 30 de haut, c’était une sculpture assez compliquée : elle se composait de deux corps clivés qui donnaient l’impression d’une surface bouillonnante, pleine d’énergie, comme la surface du soleil. C’est ce genre de forme énergétique que j’ai voulu réaliser pour le Louvre.

Marie-Laure Bernadac : Dans beaucoup de vos oeuvres les plus récentes, on sent un véritable mouvement. Y a-til une lutte entre la colonne dressée et l’objet qui s’effondre ? Seriez-vous d’accord pour qualifier ces sculptures de baroques ?

Tony Cragg : Le terme « baroque » renvoie à une vision historique particulière et à une compréhension spécifique du monde. Le fondement philosophique et scientifique de cette vision a radicalement changé, et il serait à la fois faux et superficiel de qualifier de baroque une oeuvre reposant sur une tout autre vision du monde. Cela dit, j’ai un profond respect pour cette tentative de donner vie à la matière et de célébrer les causes supérieures de notre présence ici-bas.

Une préoccupation majeure de la sculpture est la statique : comment exprimer l’énergie d’un corps ? On pourrait presque dire que c’est un problème de Körperhaltung, de composition, de comportement, de langage du corps. Le simple fait de regarder le visage d’un individu ne nous dit pas tout de lui. C’est sa composition globale que l’on perçoit. Il y a une différence considérable entre un corps qui se tient dans sa propre énergie et un corps sur la pointe des pieds, prêt à bouger. La cour est remplie de sculptures qui utilisent la statique corporelle comme forme d’expression. Dans les oeuvres que vous avez choisies, beaucoup s’écartent de la simple position figée. […]

(extraits du catalogue de l’exposition)



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