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Didier Faustino

The wild things

Galerie Michel Rein, Paris

Exposition du 14.04 - 14.05.2011




« Faire de l’architecture avec du sang, du poil, de la sueur et du sperme »

C’est par cette déclaration, si ce n’est provocante, en tout cas inhabituelle, que Didier Faustino signait son entrée dans le milieu professionnel de l’architecture. Et pour son diplôme ; point de maquette, ni même de projet de bâtiment mais un bodybuilder en train de soulever de la fonte, histoire de bien faire comprendre au jury la puissance de l’enveloppe charnelle humaine en tant que facteur déterminant de notre environnement. Cette même image fera ensuite la une d’Art Press (1999) et entérinera son « adoption » par la sphère de l’art contemporain. La porte du mélange des genres était alors ouverte sans pour autant que Faustino ne se dépare de son rôle d’architecte.

Cette mise en exergue du corps l’entraîne alors sur la voie de l’intime, des tabous, du rapport à l’autre qui, dans le contexte des années 90, trouve un écho chez certains activistes du droit à l’égalité. Sans pour autant chercher le militantisme, Faustino se voit accompagner des causes et choisit alors, sans compromis, l’outil le mieux adapté au cahier des charges, se saisissant de la performance, de la vidéo, de l’objet ou de la construction pour édifier ce qui reste à ses yeux un discours d’architecture.

Lui qui cite volontiers Vito Acconci et James Wines comme témoins de ces allers-retours incessants entre pratiques créatives pour souligner que les créateurs peuvent échapper au principe de classification prédéfinie. Sa production s’affirme alors à travers une multiplicité de formes, souvent radicales, qui entretiennent le quiproquo chez l’observateur tandis que pour lui, les motivations restent celle d’un architecte en quête de narration et de fiction.

Body in transit en 2000, soit un flight-case « designé » pour accueillir un passager clandestin ou bien encore la One Square Meter House , une tour de 17m de haut mais qui n’occupe qu’un m2 au sol, nous renvoie directement à cette réflexion sur la problématique du corps dans la production d’un espace. Elles posent surtout la question suivante : jusqu’où les exigences croissantes de la société contemporaine iront-t-elles dans ce mouvement de contrainte du corps.

Et finalement, c’est souvent en dehors du petit monde de l’architecture que l’intention fait le plus vite mouche : des commanditaires privés pour ne pas dire des particuliers, le sollicitent pour imaginer des dispositifs à même de satisfaire leurs désirs hors norme. Ceux qu’une architecture trop standardisée ne peut combler à moins que ce ne soit les modalités de la réalité qui les contraignent. De la même manière, la sphère de l’art trouve chez Faustino un imaginaire qui pousse à bout les concepts, au point de ne plus faire de distinction entre une sculpture habitable et un habitat sculpté. Ainsi de ce projet d’appartement à Beijing Home Palace (2004) où le mobilier est remplacé par des lanières tombant du plafond, ou de ces alcôves à confidences (Zentral Nerven System, 2005-06) suspendues en tension par un jeu de sangles et installées chez des collectionneurs d’art contemporain.

Pour sa première exposition à la galerie Michel Rein, Didier Faustino fait largement émerger le caractère fictionnel de son discours. Fasciné par la littérature d’anticipation, celle de Philip K. Dick notamment, il y puise des artefacts qui l’aident à tirer l’architecture encore plus près du dispositif narratif. Au centre de la galerie, l’installation Balance of Emptiness se compose de trois trépieds de géomètres qui portent chacun un casque, sorte d’isoloir dans lequel le public est invité à venir plonger son visage. Point d’images mais une bande sonore qui délivre en boucle l’interminable ritournelle : « Don’t trust architects ». Une remise en cause du statut même du créateur qui transforme les visiteurs en acteurs malgré eux d’une performance improbable générée par cet objet intrigant.

Et si une fiction en nourrissait une autre : Didier Faustino a collaboré avec l’écrivaine Virginie Despentes dans la mise en œuvre de son prochain long-métrage inspiré du roman Bye Bye Blondie. L’histoire raconte les retrouvailles de deux femmes, amies à l’adolescence, qui se retrouvent et deviennent amantes des années plus tard. L’une décide de se créer un refuge dans l’espace même de l’appartement de l’autre. La microarchitecture devient alors le lieu d’échange des deux femmes. En accord avec la réalisatrice, Faustino a conçu ce « module » en se servant de plaques offset mises au rebut. Il livre ici les modalités du processus d’élaboration à travers l’œuvre Scramble Suit.

Autre histoire : celle conçue lors d’une invitation à un colloque organisé dans l’incroyable friche contemporaine qui abritait, il y a encore peu, à Tbilissi le ministère des autoroutes. Didier Faustino propose de recomposer son projet Exploring Dead Buildings, créé de toutes pièces sur place, et qui consistait à partir dans l’exploration de l’architecture : un véhicule sommaire, une vidéo… témoins d’une action éphémère. Sur un socle, l’œuvre Hidden Pavillion renvoie clairement le spectateur au vocabulaire traditionnel de l’architecture. À moins que ce ne soit celui de la statuaire. Une maquette qui n’en est pas une, sculptée dans un bloc de marbre, rassemble trois modèles architectoniques fondateurs.

Enfin, The wild thing, trous de ver modélisés en feuillard de châtaigniers et flottant dans le volume de la galerie s’inscrivent dans la suite d’un projet initié au CCA de Kitakuyshu au Japon avec des artisans experts du bambou. Autre lieu, autre technique, autre culture… De l’absurdité de fabriquer une reproduction mathématique à l’aide de produits naturels si ce n’est pour mieux jouer du "trium viral" cher à Faustino : art, artisanat, architecture.

Olivier Reneau



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