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Edvard Munch

L’oeil moderne

Centre Pompidou, Paris

Exposition du 21 septembre 2011 – 9 janvier 2012




Edvard Munch L’oeil moderne - Extrait du catalogue par Angela Lampe et Clément Chéroux

Article de Référence : exposition Edvard Munch L’oeil moderne, Centre Pompidou, Paris, 2011.

Dans la discipline qui a pour nom histoire de l’art, les introductions des ouvrages monographiques commencent souvent par une date de naissance. Celle-ci débute par un décès : le peintre norvégien Edvard Munch s’est éteint le 23 janvier 1944 à Oslo. Cette même année est marquée par la disparition de deux autres grandes figures artistiques : Vassily Kandinsky et Piet Mondrian. Munch était donc le contemporain de ces deux peintres qui ont durablement laissé leur empreinte sur l’art du XXe siècle. Pourtant, il est généralement considéré comme un artiste du XIXe siècle, symboliste ou pré-expressionniste, qui trouve plus volontiers sa place dans la chronique de l’art aux côtés de Vincent Van Gogh ou de Paul Gauguin. Munch est certes né en 1863 et a commencé à peindre dans les années 1880, mais les trois quarts de sa production datent d’après 1900. Son ami Rolf E. Stenersen affirme que « la période la plus prospère de sa vie se situe incontestablement entre 1913 et 1930 ». À l’exception d’une exposition au High Museum of Art d’Atlanta, « After the Scream. The Late Paintings of Edvard Munch », en 2002, la plupart des rétrospectives consacrées à l’artiste depuis sa mort se sont focalisées sur sa production des années 1890 en présentant majoritairement des toiles extraites de La Frise de la Vie : Le Cri, Le Baiser, Vampire, Puberté, etc. Même si quelques-unes de ces oeuvres sont reprises, en guise de préambule, dans la présente exposition, celle-ci s’intéresse davantage à la production du peintre après 1900. Elle a pour ambition de démontrer que Munch était aussi un peintre du XXe siècle.

Les spécialistes de Munch considèrent généralement que l’oeuvre du peintre est marquée par une rupture au début du XXe siècle. Selon les études, celle-ci intervient soit en 1902, au moment de la violente dispute amoureuse avec Tulla Larsen au cours de laquelle un coup de feu endommage une phalange de la main gauche du peintre, soit après son séjour à la clinique du Dr Jacobson en 1908-1909, où il est soigné pour des troubles nerveux. Ce n’est pas toujours faciliter la compréhension des phénomènes historiques que de les aborder à travers le seul prisme de la rupture ou de son inévitable corollaire : la nouveauté. Le Munch du XXe siècle n’est pas un peintre radicalement nouveau par rapport à celui du XIXe siècle. Il reprend certains de ses thèmes de prédilection, des schèmes de composition qu’il a déjà employés, transpose certains motifs de La Frise de la Vie dans de nouveaux décors. La perspective de ses tableaux se creuse, le contour des formes se dilue, les effets dynamiques se multiplient, la couleur s’intensifie. Le parti pris ici est d’envisager l’évolution de l’oeuvre de Munch moins en termes de nouveauté que d’intensité. Car, plus que la nouveauté, c’est la somme de ces intensités qui finit par faire bouger les lignes. Là où l’histoire de l’art considère généralement que le passage de la modernité au modernisme ne peut se faire qu’à travers une rupture formelle, une politique de la table rase, l’établissement de principes esthétiques radicalement différents et, par conséquent, un renouvellement générationnel, Munch accomplit à lui tout seul l’équivalent de cette révolution copernicienne.

Le grand public perçoit généralement Munch comme un artiste solitaire et angoissé. Depuis sa mort, le discours dominant peine à éviter l’écueil d’un double poncif : l’origine nordique de l’artiste et une approche psychologisante de son oeuvre. D’un côté, un certain vague à l’âme scandinave, la lumière du Nord, le tempérament tellurique associé à ces contrées boréales ont constitué des clés de lectures récurrentes pour des commentateurs qui, bien souvent, cédaient à une forme d’exotisme septentrional. De l’autre côté, la maladie, les deuils à répétition, les drames sentimentaux, les problèmes d’alcool et de dépression qui ont émaillé la vie de l’artiste ont fourni un terrain d’étude particulièrement propice à une approche psychanalytique de l’art. Pour ce courant de l’histoire de l’art qui s’est particulièrement développé dans la seconde moitié du XXe siècle, Munch était du pain béni. Bien sûr, Munch est un artiste du Nord dont la trajectoire de vie a été pour le moins perturbée. Il ne peut s’agir ici de le nier. Mais son oeuvre n’est pas uniquement le fruit de cette double détermination. Tout au long de son existence, Munch a voyagé, multiplié les rencontres et les expériences. Il a été soumis à de nombreuses influences auxquelles il n’était pas forcément toujours imperméable. Dans les premières décennies du XXe siècle, il va au cinéma, écoute la radio, lit la presse internationale, est abonné à nombre de magazines illustrés. Il s’intéresse à l’actualité, suit les débats politiques autant qu’artistiques, s’émeut des faits divers qui défrayent la chronique ou de la guerre qui embrase l’Europe. Bref, il est pleinement en phase avec son époque et cela a un impact sur son oeuvre. C’est aussi cela que l’exposition cherche à montrer.

« Edvard Munch, l’oeil moderne » n’est donc pas une rétrospective qui se contenterait d’assembler les chefs-d’oeuvre en un ordre plus ou moins chronologique, comme on enfilerait les perles d’un collier. C’est, résolument, une exposition à thèmes et à thèses qui s’emploie à explorer les différents aspects de la modernité de Munch. Son parcours est organisé en 12 sections qui correspondent chacune à des indices de modernité repérés dans l’oeuvre du peintre. L’exposition interroge ainsi l’habitude qu’avait Munch de reprendre un sujet, parfois après des années, de le répéter à l’identique ou, au contraire, de le réinterpréter dans un nouvel environnement, voire à l’aide d’un autre médium. Certains de ses motifs existent ainsi en dessin, en gravure, en peinture, en photographie et même en sculpture. Parmi les artistes de sa génération, Munch est sans doute celui qui a posé avec le plus d’acuité cette question majeure pour l’art du XXe siècle de la reproductibilité des images. L’exposition montre aussi combien l’artiste a entretenu un dialogue permanent avec les formes de représentation les plus modernes. Il était parfaitement conscient du fait que le cinéma, l’industrie de la carte postale, ou la presse illustrée, alors en plein essor, introduisaient de nouvelles formes de mise en récit. Il avait très bien compris que les films, les photographies, ou les mises en scène de ses amis August Strindberg et Max Reinhardt généraient de nouveaux rapports de spatialité entre le regardeur et la représentation et contribuaient ainsi à une redéfinition de la place du spectateur.

Comme Arne Eggum, l’ancien directeur du Munch-museet, l’avait bien montré dans son étude séminale dès la fin des années 1980, l’artiste norvégien a entretenu un rapport privilégié avec l’image analogique. Munch prend lui-même beaucoup de photographies, majoritairement des autoportraits, à partir de 1902 et jusque dans les années 1930. En 1927, au cours d’un voyage en France, il fait l’acquisition d’une petite caméra d’amateur avec laquelle il enregistre les impressions visuelles que lui procure son expérience de la grande ville. Cette pratique photo-cinématographique existe de manière autonome, elle a sa propre raison d’être qui n’est pas forcément toujours inféodée à la peinture. Mais l’exposition s’interroge aussi sur l’impact que ces images modernes – celles que Munch a lui-même réalisées, mais aussi celles qu’il a pu voir dans la presse illustrée ou au cinéma – ont pu avoir sur sa peinture. Il ne s’agit cependant pas d’affirmer, ainsi que la plupart des études croisées se contentent de le faire, que telle toile de Munch a été directement « inspirée » par une photographie ou par un film, mais bien plutôt qu’il y a en elle du photographique ou du filmique : une manière de composer, un effet de transparence, une forme de dynamisme ou au contraire un certain statisme, un stéréotype visuel, un mode de narration spécifique à ces nouveaux médias. Qu’on ne s’y trompe pas, la relation d’intermédialité étudiée ici est bien moins illustrative que pleinement constitutive.

Au XXe siècle, Munch intensifie sa production d’autoportraits. On dénombre cinq autoportraits peints sur les deux dernières décennies du XIXe siècle, contre 41 entre 1900 et 1944. Ceci sans compter les nombreux autoportraits photographiques, ni la dernière séquence du petit film réalisé par Munch lui-même, où il apparaît s’approchant de la caméra qui continue à tourner, se penche vers elle, l’examine attentivement, comme s’il espérait comprendre ainsi son mode de fonctionnement, ou « voir ce qu’elle a dans le ventre », selon l’expression populaire. Par l’autoportrait, Munch retourne le regard comme un gant. C’est particulièrement manifeste dans la dernière section de l’exposition qui présente une série de dessins et de peintures réalisés par Munch en 1930, alors qu’une hémorragie dans l’oeil droit perturbe sa vision. En dessinant et en peignant ce qu’il observe alors à travers son oeil invalide, Munch représente son regard, la vision elle-même, ou « l’intérieur de la vue », pour reprendre une formule proposée à la même époque par Max Ernst. Munch disait volontiers qu’il peignait « ce qu’il voyait ». Il faut prendre cette affirmation au sérieux, sans s’arrêter à sa seule implication naturaliste ou réaliste. Munch peint certes ce qu’il a devant les yeux, mais il cherche aussi à représenter le filtre même du regard. Il s’intéresse à la médiation de ce regard par l’oeil lui-même, autant que par les instruments modernes de vision comme la photographie et le cinéma. En cela, le peintre norvégien fait preuve d’une très grande modernité. C’est là l’objet même de cette exposition et la raison pour laquelle elle s’intitule « Edvard Munch, l’oeil moderne ».



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